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WINTHROP COLLECTION

L'initiative de présenter hors les murs du Fogg Art Museum de Cambridge, Massachusetts, les chefs-d'œuvre de la collection Winthrop revient à James Cuno, alors directeur des musées de l'université Harvard. Cette exposition présentée au musée des Beaux-Arts de Lyon, du 14 mars au 2 juin 2003, en a fait bénéficier plus de 134 000 visiteurs. Un véritable événement que cet accrochage, puisque, à l'instar de ceux du docteur Barnes, les chefs-d'œuvre de la collection Winthrop sont protégés par des clauses testamentaires qui, en principe, leur interdisent de sortir du musée qui les abrite. L'exposition fut ensuite présentée à la National Gallery de Londres, puis au Metropolitan Museum of Art de New York.

Issu d'une famille de la haute société new-yorkaise, Grenville L. Winthrop (1864-1943) suivit en 1886 les cours du premier professeur d'esthétique à Harvard, Charles Eliot Norton, qui, comme Ruskin, voyait dans l'art une clé pour la compréhension de l'âme humaine, et dont les formules, telles que « le beau vaut mieux que le bien parce qu'il inclut le bien », l'influencèrent profondément. Winthrop fit son droit, débuta une carrière d'avocat et se maria, mais, sa fortune le lui permettant, il renonça très vite à travailler pour se consacrer à la constitution d'une collection. Au même moment, d'autres élèves de Norton étaient eux aussi « touchés par la grâce » : ils allaient devenir de grands amateurs d'art, ainsi Isabella Stewart Gardner, à l'origine d'un musée à Boston, Bernard Berenson ou Edward W. Forbes, futur directeur du Fogg Art Museum.

Mais, à la différence de ces derniers, Winthrop ne s'intéressa que peu de temps aux primitifs et à la Renaissance : les trois axes majeurs de sa collection devaient être en effet les objets d'art asiatique, la céramique (de Wedgwood en particulier) et l'art occidental du xixe siècle. Malgré une commune passion pour William Blake, elle diffère aussi essentiellement de celle de son grand aîné John Pierpont Morgan, fondateur de la célèbre bibliothèque éponyme. Winthrop s'intéressa assez tôt à la peinture anglaise, notamment à Turner. Il fut influencé en cela par son condisciple et ami Francis Bullard, qui lui fit découvrir une approche de l'art libérée de la dimension morale que lui assignait Norton, et sensible notamment à ses correspondances avec la musique. Mais l'homme de confiance qui devait, après 1916, l'aider véritablement à enrichir sa collection, sillonnant pour cela l'Europe, fut le marchand d'art Martin Birnbaum, qui, s'il avait fait connaître en Amérique des artistes tels qu'Ensor, Kokoschka, Klee et Munch, s'intéressait aussi aux impressionnistes, aux préraphaélites et à la peinture américaine de la même époque.

Cette collaboration, qui devait durer jusqu'à la mort de Winthrop, fut particulièrement féconde, car Birnbaum avait l'art de dénicher les pièces que recherchait le collectionneur, comme le montre Stephan Wolohojian, conservateur au Fogg, dans sa très riche contribution au catalogue. La présentation élégante adoptée à Lyon, dans le style néo-classique des grands musées américains de l'entre-deux-guerres, relevée par les couleurs fortes des cimaises (vert sombre, orange), faisait valoir la sûreté d'un goût au reste difficile à enfermer dans une définition simple, tant il réserve de surprises.

De Prud'hon à Seurat, l'école française constitue incontestablement un point fort de la collection, comme en témoignaient ici d'incomparables tableaux et dessins de David (un carnet de croquis pour Le Couronnement de Napoléon et l'éblouissant Portrait de Sieyès), de Géricault (Le Marché aux bœufs) et d'Ingres (pas moins de vingt-cinq portraits dessinés, L'Odalisque à l'esclave[...]

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