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COLLECTIONNISME

Du prince au connaisseur : les collections artistiques du XVe au XVIIIe siècle

Le « studiolo » et le « cortile »

Camée, art romain - crédits :  Bridgeman Images

Camée, art romain

Dans leur culte de l'Antiquité, les humanistes développent l'intérêt pour ses monuments, édifices, statues, médailles (c'est-à-dire des monnaies) et pierres gravées (gemmes et camées). Ils légitiment en outre un rapport de plaisir artistique entre l'œuvre d'art et son propriétaire, comme en témoigne dans une lettre Pétrarque à propos du portrait de Laure, peint par Simone Martini. Enfin, en célébrant les créations contemporaines, ils en font des objets dignes de collection : Donatello est comparé aux sculpteurs antiques ; la peinture, grâce à ses nouveaux moyens plastiques définis par Alberti, est apte à illustrer la gloire du prince ; la technique de l'huile (que Bartolomeo Fazio découvre dans les tableaux de Van Eyck ou de Rogier Van der Weyden possédés par les Este à Ferrare ou par le roi d'Aragon à Naples) la rend apte à représenter les beautés de l'univers dans une œuvre d'art appelée à être aussi durable que la médaille ou la sculpture.

Dès les années 1470-1480, la plupart des princes de l'Italie collectionnent. À Rome le pape vénitien Paul II (1464-1471), soucieux d'affirmer la domination pontificale sur la ville, ne cesse de rassembler médailles et gemmes antiques, utilisant pour cela les services de l'humaniste Cyriaque d'Ancône. Il fait placer dans la cour (cortile) de sa demeure, le très moderne palais de Venise, des statues anciennes, développant ainsi la tradition du lapidarium des grandes familles romaines, et restaure les anciens monuments de Rome, associant ainsi définitivement la papauté à l'héritage de la Rome antique. Son successeur Sixte IV (1471-1484) donne des bronzes antiques (la Louve, le Camillus et le Tireur d'épines...) au palais des Conservateurs sur le Capitole, qui étaient auparavant disséminés autour du Latran. Cette installation muséale permet aux artistes, aux habitants de Rome ou aux visiteurs étrangers de les connaître et de les admirer ; elle stimule les collectionneurs privés, et incite peut-être le neveu de son fondateur (Sixte IV), le cardinal Giuliano della Rovere, déjà propriétaire de l'Apollon du Belvédère découvert dans une de ses propriétés, à créer un musée équivalent au Vatican. Devenu pape à son tour, sous le nom de Jules II, il décide, en effet, d'intégrer sa collection dans le patrimoine de l'Église. Les niches de la cour du Belvédère, construit par Bramante, abritent ainsi de célèbres antiques achetées par le pape : le Laocoon (découvert en 1506), l'Hercule Commode, Cléopâtre, etc.

Louve romaine - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Louve romaine

Laocoon - crédits :  Bridgeman Images

Laocoon

Dans le nord de l'Italie, les antiques sont moins présentes dans la collection d'Isabelle d'Este. L'épouse du duc de Mantoue commence par acquérir des gemmes et des camées, puis passe aux sculptures et ne forme une véritable collection de médailles qu'après son second séjour à Rome (1525-1527) ; celle-ci représente l'essentiel des mille six cent vingt objets qui décorent en 1539 la grotta du palais du Té. Les provenances et les modes d'acquisition de ces œuvres sont des plus variées : Isabelle d'Este achète à haut prix aux enchères à Venise un vase d'onyx en 1506, arrache presque de force, à Mantegna mourant, le buste de l'impératrice Faustine, reçoit de César Borgia une Vénus antique et un Cupidon, imitant l'antique, de Michel Ange qui proviennent des dépouilles d'Urbin. Son insatiable désir pour l'art classique, qu'elle doit en grande partie à Mantegna, lui fait commander de nombreuses œuvres inspirées de l'antique au sculpteur Gian Cristoforo Romano, surnommé l'Antico. Collectionnisme et mécénat se confondent alors à propos des peintures. Isabelle, issue d'une famille de mécènes,[...]

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Écrit par

  • : conseiller scientifique à l'Institut national d'histoire de l'art

Classification

Médias

<it>Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo</it>, P. Berruguete - crédits :  Bridgeman Images

Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo, P. Berruguete

Palais ducal, Urbino : studiolo - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Palais ducal, Urbino : studiolo

Université d'Oxford - crédits : Charlie Waite/ The Image Bank/ Getty Images

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