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COLLECTIONNISME

Collectionneurs et musées : les collections d'art aux XIXe et XXe siècles

La norme et le caprice

<it>L'Enlèvement des Sabines</it>, J. Bologne - crédits :  Bridgeman Images

L'Enlèvement des Sabines, J. Bologne

Les bouleversements politiques de la fin du xviiie siècle entraînent une consolidation du goût qui se distribue selon une nouvelle géographie. Les collections princières se transforment en musées, supports d'une histoire de l'art (Lanzi à Florence). La vente de la collection du duc d'Orléans à Londres, la dispersion du patrimoine de l'Italie (collection Giustiniani), mise à profit par les marchands, comme Lebrun et Buchanan, renforcent les valeurs de la « vieille école ». Celles-ci dominent dans la collection de Lucien Bonaparte ou dans les trois mille tableaux amassés par le cardinal Fesch, l'oncle de Napoléon, comme dans la noblesse anglaise (duc de Bridgewater), déjà éprise de Poussin et de Claude Lorrain, qui acquiert alors des ensembles prestigieux de maîtres italiens et hollandais.

Quelques nobles italiens parvenus ont une attitude plus originale : Sommariva achète des œuvres d'artistes néo-classiques, de Canova à Prud'hon ; le comte Costabili rassemble des tableaux de primitifs italiens, auxquels il reconnaît une valeur artistique. Les collections de primitifs sont d'abord constituées par des érudits collectionneurs (Lazzara), souvent afin de montrer l'ancienneté d'une école locale. Mais le développement d'une histoire de l'art qui s'intéresse au style (Winckelmann, Séroux d'Agincourt), et d'un courant artistique, le néo-classicisme, qui privilégie la ligne, explique la multiplication de ces collections (W. Ottley, Artaud de Montor). À Berlin, Solly collectionne des primitifs italiens et nordiques et achète pour les revendre des tableaux hollandais du Siècle d'or. Tout au long du xixe siècle, nationalisme et romantisme nourrissent la formation de différentes collections, celle des Boisserée à Cologne, dont la galerie de maîtres allemands du xve siècle marquera Goethe, celle de l'industriel Pavel Tretiakov à Moscou, qui illustre les développements de la peinture russe.

Sous la Restauration, c'est également par réaction que les grands collectionneurs nobles perpétuent l'engouement du xviiie siècle pour la peinture de genre hollandaise alors que, à partir des années 1830, le Salon désigne les artistes qu'il faut acheter aux collectionneurs officiels et aux hommes d'affaires qui, imitant les nobles de l'Ancien Régime, se constituent des collections. Les Schneider rassemblent des maîtres hollandais et des toiles de Paul Delaroche ; Maupassant campe cruellement, dans Bel-Ami (1884) le collectionneur de Bouguereau et des peintres pompiers en la personne de M. Walter, député, financier, homme d'argent et d'affaires (« Vous regardez mes tableaux ? » – Le mes sonna. – « Je vais vous les montrer. » Et il prit une lampe pour qu'on pût distinguer tous les détails. »). Les peintres du xviiie siècle avaient été bien négligés depuis le néo-classicisme. Leur redécouverte vers 1850 est le fait d'une certaine bourgeoisie en rupture avec l'art contemporain, qui s'appuie sur les conseils non plus de peintres-marchands mais d'historiens-marchands (Thoré), et qui cherche à légitimiser l'originalité de ses goûts par des donations aux musées (legs du docteur Lacaze au Louvre). Le modèle de cette curiosité, à la fois chineuse et érudite, célébrée par les romanciers (Le Cousin Pons de Balzac, 1847) et les historiens (Trésors de la curiosité de Charles Blanc en 1857-1858) est en train de s'établir ; les termes « collectionneur » et « collectionner » entrent alors officiellement dans la langue française. Alfred Bruyas est lui aussi un collectionneur d'un type particulier : peintre fortuné, il soutient par ses achats les artistes contemporains, de Delacroix à Courbet, dont il fut l'ami, et lègue[...]

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Écrit par

  • : conseiller scientifique à l'Institut national d'histoire de l'art

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<it>Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo</it>, P. Berruguete - crédits :  Bridgeman Images

Frédéric de Montefeltre, duc d'Urbin, et son fils Guidobaldo, P. Berruguete

Palais ducal, Urbino : studiolo - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Palais ducal, Urbino : studiolo

Université d'Oxford - crédits : Charlie Waite/ The Image Bank/ Getty Images

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