COLLOÏDES
Systèmes hors d'équilibre : les émulsions et les sols
Bien que l'on puisse solubiliser des quantités importantes de molécules hydrophobes en milieu aqueux avec des systèmes bien formulés à l'équilibre thermodynamique, dans la majorité des cas il est bien plus commode et plus économique de fabriquer des systèmes métastables. En effet, la quantité de tensioactifs, qui est souvent l'élément coûteux, est bien moins importante pour fabriquer une émulsion. Parmi les systèmes métastables, on distingue les émulsions et les sols. Une émulsion huile dans l'eau correspond à la dispersion d'une phase fluide, l'huile, sous la forme de petites gouttelettes dans une autre phase fluide, l'eau. Une émulsion eau dans l'huile correspondra au cas inverse. Les sols sont constitués de petites particules solides dispersées dans une phase fluide, le plus souvent de l'eau. La qualité des émulsions et des sols est étroitement liée au procédé de préparation, contrairement aux systèmes à l'équilibre thermodynamique qui s'obtiennent par simple mélange des constituants. De plus, l'état fondamental de la dispersion est une séparation de phase entre les parties hydrophobes et l'eau. Afin d'éviter un retour trop rapide vers un état d'équilibre défavorable, la formulation consiste à construire une barrière énergétique, véritable obstacle sur le chemin de la séparation de phase.
La fabrication des émulsions
Le principe de fabrication des émulsions repose sur la dispersion sous la forme de petites gouttelettes d'un liquide hydrophobe (une « huile ») dans l'eau ou inversement s'il s'agit d'un lipophobe. Afin d'assurer une stabilité cinétique et de retarder la séparation entre l'eau et l'huile, il est nécessaire de créer à l'interface eau-huile des gouttes un film monomoléculaire de molécules amphiphiles. Plusieurs techniques existent pour obtenir ce film, la plus simple et aussi la plus utilisée consistant à mélanger les différents constituants selon un ordre bien précis. Un exemple courant d'une telle opération est la fabrication de la mayonnaise. On incorpore dans une solution contenant un peu d'eau et le tensioactif (le jaune d'œuf), de l'huile que l'on ajoute au fur et à mesure ; le mélange visqueux obtenu est composé de domaines d'huile séparés par un film aqueux. La viscosité de cet ensemble est importante car les domaines d'huile sont séparés mais très proches les uns des autres (mousse bi-liquide). Ceci favorise l'obtention de petites gouttelettes d'huile par rupture des domaines les plus gros car l'énergie mécanique dissipée augmente avec la viscosité du mélange. Dans le cas de la mayonnaise, on s'arrête à cette étape ; mais dans de nombreuses applications industrielles, on dilue ensuite le mélange obtenu dans un excès d'eau pour obtenir une suspension liquide homogène.
Stabilisation colloïdale : théorie D.L.V.O.
Le principe de la stabilisation colloïdale a été proposé dans deux articles célèbres, l'un de Derjaguin et de Landau (1941) et l'autre de Verwey et d'Overbeek (1948). Il est plus connu sous le nom de théorie D.L.V.O. (initiales des auteurs). Dans ces articles, les auteurs expliquent que l'on peut stabiliser un petit objet par son agitation thermique si on introduit une barrière énergétique suffisante pour retarder la séparation des phases. Deux sphères hydrophobes dans l'eau s'attirent grâce à une interaction très forte agissant à courte distance. Cette interaction, provenant des dipôles induits par les fluctuations thermiques, est toujours attractive (force dite de Van der Waals) ; elle entraîne un ensemble de particules les unes vers les autres et est ainsi responsable de leur agrégation. Pour éviter ce phénomène, il est nécessaire d'introduire une interaction répulsive.[...]
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Écrit par
- Didier ROUX : directeur de recherche au C.N.R.S., centre de recherche Paul-Pascal, Pessac
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