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COLONIALISME & ANTICOLONIALISME

L'affrontement des théologiens

L'affrontement commence avec les grandes découvertes et les premières occupations territoriales, et oppose alors des théologiens. C'est d'ailleurs le pape Alexandre VI qui, par la bulle Inter caetera, a, le 3 mai 1493, partagé les mondes découverts et à découvrir entre l'Espagne et le Portugal afin que « la loi catholique et la religion soient exaltées et partout amplifiées et répandues [...] et que les nations barbares soient subjuguées et réduites à la foi ». Jusqu'où pouvait-on aller dans l'oppression d'un peuple par un autre ? Pouvait-on légitimer le droit de colonisation ? Ainsi s'opposent Juan Ginés de Sepúlveda, Bartolomé de Las Casas et Francisco de Vitoria. Pour Sepúlveda (env. 1490-1573), la domination coloniale est un devoir. La guerre faite aux Indiens est une guerre juste en raison de leurs crimes, de leur idolâtrie et de leurs sacrifices humains. D'autre part, il est des hommes que Dieu a condamnés à une situation inférieure. C'est le cas des Indiens, peuple grossier, servile par nature et ainsi légitimement contraint à l'esclavage au profit de nations plus évoluées, comme la nation espagnole. La guerre enfin est le seul moyen d'assurer dans les Indes l'établissement de la religion chrétienne. Las Casas (1474-1566) s'oppose à cette idée. « Racontant ce qu'il a vu », il dénonce « la destruction des Indiens », réclame la suppression du système de l' encomienda, c'est-à-dire de la pratique des commanderies où les indigènes étaient remis à des colons qui pouvaient les utiliser comme esclaves à condition de leur enseigner la religion chrétienne. Or, pour Sepúlveda, l'encomienda était le seul moyen garantissant le développement du christianisme dans les Indes. En 1550, à Valladolid, une controverse met aux prises les deux théologiens devant une commission de lettrés et le Conseil des Indes ; Las Casas l'emporte. Déjà, il avait obtenu des ordonnances limitant les privilèges de l'encomienda. Mais ces « lois nouvelles » ne sont guère appliquées. Francisco de Vitoria (env. 1492-1549), dominicain de Salamanque, pose plus nettement que Las Casas le problème du droit de colonisation dans son mémoire De Indiis. Il rejette plusieurs des thèses avancées pour justifier la conquête des Indes : la domination de l'empereur sur le monde, la souveraineté temporelle du pape sur l'ensemble de la terre, les droits de la découverte, l'obligation de sauver les âmes même par la violence, les péchés des barbares. Cependant, il y a pour Vitoria des titres légitimes à la colonisation. C'est d'abord le droit d'universelle circulation et d'universelle transmigration. Les Espagnols ont donc le droit de passer dans les terres des barbares sans que ceux-ci puissent le leur interdire. À l'aube des temps, tout étant commun, chacun pouvait se rendre où bon lui semblait. Le partage des biens n'abolit pas ce droit. D'autre part, les richesses naturelles étant un bien commun, personne ne peut empêcher les Espagnols de commercer avec les barbares. Qui plus est, « ce qui n'appartient à personne devient d'après le droit des gens la propriété du premier occupant. Ainsi est-il de l'or qui est dans le sol, des perles qui sont dans la mer. » Le droit de naturalisation étant également légitime, personne ne peut empêcher un Espagnol d'acquérir le droit de cité dans une ville « barbare ». Demeure enfin le devoir de propagation de la religion. « Tous ces barbares sont non seulement en état de péché, mais même hors d'état de faire leur salut : il appartient donc aux chrétiens de les redresser et de les diriger. » Une guerre « juste » ne pourra être conduite contre les barbares que si ceux-ci s'opposent à la liberté du commerce et de la prédication. Dans ce cas, « il est permis aux Espagnols de s'emparer des terres et des provinces [...][...]

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Écrit par

  • : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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Boers au combat - crédits : Van Hoepen/ Hulton Archive/ Getty Images

Boers au combat

Cecil Rhodes - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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