COLOSSAL, art et architecture
Iconographie du colossal
Certains êtres se sont prêtés de façon naturelle à ce type de représentation : les géants comme le « Gilgamesh » assyrien, le Goliath ou le Samson de la Bible, saint Christophe le Passeur (dont les représentations sont plus fréquentes en peinture, notamment d'immenses fresques de l'époque romane), les grandes divinités liées aux forces et aux rythmes du cosmos (bouddha, comme le bouddha trônant de la grotte X d'Ellora en Inde), les héros civilisateurs comme Hercule ou, au contraire, les ennemis primitifs et sauvages de la civilisation (Cyclopes) ou de l'ordre olympien (Titans) ; le thème de la gigantomachie ou combat des Olympiens contre les Géants a donné naissance à des œuvres très puissantes et amples comme la frise sculptée du grand autel de Zeus à Pergame (180-160). La dévotion a prêté des proportions colossales à la Vierge ou à des saints implorés comme protecteurs. Ainsi le saint Charles Borromée de métal, haut de 23 mètres, se dressant depuis 1697 sur la colline dominant Arona en Lombardie.
Sous l'Empire romain, les empereurs semblent avoir voulu accumuler dans la ville les œuvres colossales, acheminées depuis leurs possessions d'Asie Mineure ou d'Égypte ou effectuées sur place. Le Colisée devrait son nom à la statue colossale de Néron érigée par Xénodore près de l'amphithéâtre et haute de 120 pieds selon les témoignages. Certaines de ces statues les plus impressionnantes sont citées par Pline dans son Histoire naturelle (livres XXXIII à XXXVI), puis dans les Mirabilia Urbis Romae (Merveilles de Rome), ces guides médiévaux à l'usage des pèlerins qui mettent l'accent sur ce que Rome offrait de prodigieux : vestiges antiques, constructions récentes comme les sept grandes basiliques, reliques miraculeuses. Les majestueux dieux Fleuves des palais du Capitole (notamment le Marforio) et du Belvédère au Vatican (le Nil, le Tibre), les Dioscures retenant leurs chevaux de la colline du Quirinal, les vestiges de deux statues gigantesques de Constantin (ive s.), l'une en marbre et l'autre en bronze conservées au musée du Capitole, ont toujours semblé incarner l'essence de Rome. Épargnées par les papes, données aux magistrats du peuple romain, mises en valeur par des scénographies urbaines, ces sculptures n'ont cessé d'être dessinées ou gravées au cours des siècles. Citons dès le début du xve siècle cette image emblématique de Rome peinte par Taddeo di Bartolo au palais public de Sienne, celle des frères Limbourg dans les Très Riches Heures du duc de Berry (vers 1416) ou celle de Mantegna dans la camera picta du palais ducal de Mantoue (vers 1470), où les statues colossales apparaissent mêlées aux grandes colonnes historiées de Trajan et de Marc Aurèle, au Panthéon, au Colisée, aux mausolées d'Auguste et d'Hadrien, aux arcs triomphaux, aux basiliques civiles et aux thermes, bref, à tout ce que Rome conservait de traces de sa grandeur passée ; pour le xvie siècle, les dessins de Heemskerck, les gravures de Nicolas Béatrizet ou d'Hendrick Goltzius et cette étonnante reconstitution fantastique et théâtralisée qu'en propose Antoine Caron dans son tableau des Massacres du triumvirat (musée du Louvre). Dans un dessin célèbre, Johann Heinrich Fussli a figuré deux siècles plus tard L'Artiste désespéré devant la grandeur des ruines antiques (vers 1778, Kunsthaus, Zurich), disposant son personnage devant le pied et la main de la statue colossale de Constantin en marbre du musée du Capitole.
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
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