COLOSSAL, art et architecture
Le colossal en architecture
Par extension, le mot colossal a été appliqué au domaine architectural. Vers 1514, Bramante semble avoir inventé l'ordre colossal pour sa propre maison de Rome : une ordonnance de hautes et imposantes colonnes qui embrasse plusieurs niveaux d'habitation et unifie la façade par la puissance de son rythme et de ses proportions. L'ordonnance colossale connut un grand succès dans l'architecture du xvie siècle. Dans les façades d'églises qu'il construisit à Venise, pour la loge de la Capitainerie à Vicence, pour de nombreuses grandes villas patriciennes, Andrea Palladio lui donna des développements classicisants harmonieux. Michel-Ange quant à lui l'employa pour exprimer, en les portant à leur degré maximal, les tensions internes à l'édifice (palais des Conservateurs au Capitole, basilique Saint-Pierre). Mais, si le mot n'apparaît qu'à la Renaissance, les réalisations colossales dans le domaine du bâti remontent à la nuit des temps : mégalithes préhistoriques dressés en alignements (Carnac) ou en cercle (Stonehenge), appareils de pierre dits cyclopéens de forteresses protohistoriques (Mycènes), temples égyptiens, palais de Persépolis, etc. Si nous reprenons la liste des Sept Merveilles du monde, nous y trouvons cinq entreprises d'architecture, ou d'urbanisme, qui parurent prodigieuses, par leur ampleur, aux contemporains : les pyramides d'Égypte, les remparts aménagés en jardins de Babylone, le phare d'Alexandrie, le mausolée d'Halicarnasse, l'Artémision d'Éphèse. Dans l'ouvrage rédigé par Athanasius Kircher à la demande du pape Innocent X Pamphili, Obeliscus Pamphilius (Rome, 1650), on voit exprimée la problématique du colossal ; la technologie hors du commun (découverte, transport, érection de l'obélisque utilisé par Bernin pour la fontaine qu'il édifia place Navone), la volonté idéologique et politique du commanditaire, les connotations légendaires (mystère des hiéroglyphes, impression que de tels monuments sont les témoignages et les dépositaires d'une sagesse immémoriale à décrypter).
Les architectes utopistes de la fin du xviiie siècle ont renouvelé l'architecture colossale en lui redonnant des formes d'une géométrie élémentaire, des masses murales aveugles et unies, et en réfléchissant sur la perception relative des dimensions. Le projet dessiné de la Porte du Parisis, de J.-J. Lequeu (1793), reprend l'image héroïque d'un immense Hercule à la massue assis à cheval sur une porte triomphale, image du peuple libre. Dans son Architecture, essai sur l'art (rédigé avant 1793), E. L. Boullée redéfinit le colossal : « On confond souvent en architecture la vraie signification du mot colossal avec le mot gigantesque et ce que les artistes dénomment grand. Ce sont des choses très différentes. Un monument colossal doit exciter notre admiration ; il suffit pour être convaincu de cette vérité de dire que c'est un monument extraordinaire. Sa proportion doit atténuer tout ce qui l'environne. Il faut qu'il présente une grande idée, et pour tout dire, en un mot, qu'il offre en son genre une chose unique. » Comme dans le domaine de la statuaire colossale, les architectures dessinées, peintes ou décrites témoignent de rêveries révélatrices. Le Songe de Poliphile de Francesco Colonna, publié à Venise en 1499, est une mine de descriptions de monuments colossaux fabuleux, très inspirés de la lecture des auteurs anciens : le héros y admire notamment une pyramide « immense et terrible ». Un exemple très caractéristique est la tour de Babel : le récit biblique, sans doute inspiré par les ziggourats, a suscité au xvie siècle une série de représentations peintes de Pieter Bruegel à Paul Bril, où les souvenirs transposés du Colisée sont magnifiés jusqu'à[...]
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Écrit par
- Martine VASSELIN : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence
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