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COMEDIA, Espagne

Histoire du genre. Succès et influence

Le genre fit véritablement fureur. On écrivit des milliers de comédies ; on les représenta aux champs et à la ville, sous les formes les plus pures et les plus corrompues, refontes et adaptations, plagiats et mélanges. Mais c'est Madrid qui donna toujours le ton. Sous Philippe III et ses successeurs, la capitale était devenue une « Babylone » monstrueuse par l'afflux d'une jeune population désœuvrée et par le relâchement des mœurs. Là se mêlaient indistinctement les diverses classes, dans un anonymat qui se prêtait à toutes les aventures, à toutes les tromperies. Il revint aux dramaturges de discipliner cette anarchie et de donner une ligne de conduite à la foule hétéroclite – valets, prêtres, grands seigneurs, marchands, fonctionnaires, artisans et aventuriers – qui se pressait dans l'enceinte du corral de comédie. Peu importe qu'ils aient échoué. Il suffit que, se vouant à cette tâche impossible, ils aient créé quelques chefs-d'œuvre ; il suffit qu'ils aient fixé pour des siècles, jusqu'aujourd'hui, l'image idéale que l'Espagnol se fait de lui-même, et que bien souvent il traduit dans son comportement. Car l'Espagnol est depuis lors un noble personnage, dégagé de toute préoccupation sordide, tout entier à ses amours et à ses querelles d'honneur, libre absolument dans les étroites limites de croyances terriblement contraignantes et indiscutables.

Sous Philippe III

Philippe III (1598-1621) n'aimait pas le théâtre ; il vivait éloigné de la ville. En son temps, la comédie, effrontée comme la nouvelle jeunesse, parlait l'amphigouri à la mode, mettait en scène des problèmes réels quotidiens, proposait des solutions et, sous ce couvert, des attitudes mentales et des comportements nouveaux parfois choquants. Le bon dramaturge donne aussi des leçons de bien-dire et de savoir-faire à ce public snob, souvent mal dégrossi, émigré récemment de la campagne et des petites villes. Sur la scène défilent des comédiens mannequins qui fixent la mode vestimentaire et gestuelle. Dans le corral, une cour à ciel ouvert flanquée de maisons avec balcons et loges, se forge l'opinion publique, tant sur les affaires intérieures du royaume que sur les triomphes et les soucis de la chrétienté, tant sur les nouveautés littéraires que sur les rapports de la théologie et de la morale. Ainsi, Lope de Vega prend parti pour les paysans riches contre les seigneurs tyranniques dans Peribañez et le Commandeur d'Ocaña (vers 1612) : ne s'agit-il pas de retenir la paysannerie qui, maltraitée, émigre vers les villes et les encombre ? Dans Les Jeunesses du Cid(1618) et les Exploits du Cid, Guillén de Castro rappelle aux Valenciens embourgeoisés et aux Madrilènes corrompus les vertus ancestrales auxquelles l'Espagne doit son unité, sa gloire et sa puissance. Tirso de Molina (le père Gabriel Téllez, de l'ordre de la Merci) condamne à une sorte d'enfer les religieux trop indépendants ; ainsi, il met en scène un ermite anxieux de son salut et qui tente de forcer la main de Dieu à force de haire et de discipline (Le Condamné par manque de confiance, vers 1620) ; et c'est à un repas à base de scorpions et de vinaigre qu'il convie un de ces nombreux séducteurs irresponsables qui, bafouant les lois de la société, remettent toujours au lendemain leur conversion à Dieu (Don Juan ou l'Allègre Imposteur de Séville, entre 1618 et 1621).

Sous Philippe IV

Philippe IV monte sur le trône en 1621. Il aime le théâtre et surtout les actrices. Au début de son règne s'épanouit la comédie de cape et d'épée, joyeuse avec ses aventures galantes, ses rixes et ses sérénades. Le jeune Calderón de la Barca y affûte une nouvelle dramaturgie, rapide, brillante, ponctuée de coups de théâtre (Dame ou fantôme,[...]

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur de l'Institut d'études hispaniques de l'université de Paris

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