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COMÉDIE

Constitution d'un genre

L'évolution des formes populaires

En effet, de l'Empire romain au Moyen Âge européen, ce sont les formes populaires du jeu comique qui fleurissent partout, avec une continuité remarquable, au détriment du théâtre écrit. Si, dans les écoles, on a continué à lire Plaute et Térence, voire à composer des comédies latines, la renaissance du théâtre comique va se faire au Moyen Âge à travers la satire, la farce et l'allégorie, c'est-à-dire en revivifiant l'immémoriale tradition transmise par les jongleurs et les funambules. Composés pour servir d'intermèdes dans les miracles et les mystères, ou suscités par des confréries littéraires ou joyeuses, les premiers spectacles de cet ordre (comme le Jeu de la feuillée ou le Jeu de Robin et de Marion) apparaissent au xiiie siècle sur les tréteaux. Au xve siècle, ils sont essentiellement le fait des sociétés de fous, de basochiens et d'écoliers, qui les font voyager à travers le pays. Soties, farces et moralités composent ce théâtre d'estrade, aux moyens techniques assez frustes, qui trouve ses effets dans le langage et dans l'agilité corporelle de ses exécutants. Qu'il s'agisse de Maître Pierre Pathelin (1464) ou du Prince des sots (1512) de Gringoire, cette forme libre de la comédie est tenue à l'écart de la littérature. Les humanistes songent déjà à renouer avec le théâtre latin, tel qu'ils le comprennent, et à susciter des ouvrages dramatiques qui puissent prétendre au statut d'œuvres d'art.

En Italie, c'est chose faite au début du xvie siècle. Avant l'épanouissement de la commedia dell'arte, où les éléments de la tradition populaire se trouveront stylisés et portés à un haut degré de perfection artisanale, la commedia sostenuta acquiert ses lettres de noblesse, et la notion de pièces régulières, grâce à l'Arioste, à l'Arétin et à Machiavel, l'emporte décisivement sur le théâtre populaire et dialectal proposé par le grand Ruzante. On écrira désormais des comédies soumises aux unités de temps et de lieu, avec une intrigue vraisemblable articulée en cinq actes continus, qui seront jouées dans des salles conçues pour le théâtre, comme il s'en construit alors. De là à l'instauration de règles formelles et à l'apparition d'un appareil théorique contraignant, il n'y avait qu'un pas : dans la seconde partie du xvie siècle, un classicisme rigoureux établit ses canons sur les scènes italiennes, et Scaliger, pour ne citer que lui, codifia dans sa Poétique(1561) les règles qui devaient désormais régir l'art dramatique, dans une rigoureuse séparation des genres.

À travers toute l'Europe, on retrouve au xvie siècle cette même ambition d'ériger la comédie en un genre littéraire bien défini, dans la continuité supposée de l'Antiquité latine. Mais, dans les deux pays où un vigoureux théâtre national est alors en train de s'implanter, les doctes ne réussissent pas à imposer véritablement leurs idées : en Espagne, Fernando de Rojas a donné dès 1499 sa Célestineet Gil Vincente, Lope de Rueda, Juan de la Cueva font triompher une forme de comédie à la fois populaire, romanesque et héroïque, qui connaîtra son âge d'or au xviie siècle avec Lope de Vega, Tirso de Molina, Calderón et Alarcón ; en Angleterre, d'autre part, un irrésistible élan emporte le théâtre à partir de 1576 et une pléiade d'auteurs surgit, comme Ben Jonson, Middleton, Beaumont, Fletcher et Shakespeare, le plus grand de tous : la comédie renaît grâce à eux en même temps que la tragédie, avec une verve et une liberté prodigieuses, non sans assimiler les principaux apports des théâtres italien et espagnol.

En France, cependant, les écrivains de la Renaissance, qu'il s'agisse de Jodelle, de[...]

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Écrit par

  • : agrégé des lettres classiques et docteur ès lettres, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X-Nanterre

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O'Casey - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

O'Casey

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