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COMÉDIE

L'âge bourgeois

Avec l'avènement progressif de la bourgeoisie au xixe siècle, les problèmes de la comédie vont se trouver posés en termes nouveaux. À la nouvelle classe prédominante le théâtre va proposer des images où elle puisse se reconnaître sans s'effaroucher et trouver un divertissement qui ne mette pas en cause sa vision du monde. Le formalisme littéraire du postclassicisme cède la place, par degrés, à un conformisme social qui triomphera avec superbe à partir du second Empire. Au sortir de la Révolution, on avait assisté au succès du mélodrame et de son équivalent dans le genre comique, le vaudeville : mi-chantée mi-parlée, cette dernière formule était destinée à distraire à bon compte les spectateurs en usant des moyens les plus éprouvés. Dès le premier tiers du xixe siècle, Scribe en prend le relais et fonde la comédie bourgeoise, où l'habileté du faiseur prime le contenu dramatique : il ne s'agit plus de plaire aux connaisseurs, mais à un public nouveau, de plus en plus hétérogène, qui, en accédant à l'argent, exerce une influence grandissante dans la société. C'est ce public que conquerront, avec des ambitions plus vastes que Scribe, Augier, Dumas fils, puis Becque, Porto-Riche, ou, dans un genre léger, Meilhac et Halévy.

Les romantiques, très généralement, échouent à la scène, par la raison que leurs pièces n'établissent pas un rapport immédiat avec la société de leur temps. Le divorce entre les auteurs de la nouvelle école et le public qui fréquente les salles parisiennes ira en s'accentuant, au point que les meilleurs écrivains vont se détourner du théâtre : c'est l'âge du roman qui commence. Kleist et Büchner, pour le romantisme allemand, Musset en France, et peut-être Grillparzer, en Autriche, sont les seuls grands auteurs de comédie d'Europe occidentale dans la première moitié du xixe siècle. Et encore, Kleist et Büchner n'ont-ils pas été joués de leur vivant, de même que Musset n'a pas écrit directement pour la scène. Renouant avec une liberté dont l'usage s'était depuis longtemps perdu dans le théâtre français, celui-ci soumet l'espace et le temps scéniques au pouvoir de l'imagination et au jeu souverain de la poésie, à l'instar de ses devanciers allemands. Au même moment, Gogol introduit dans la comédie russe le plus mordant et le plus juste des réalismes, ouvrant ainsi la voie à un profond renouvellement du genre, que Tchekhov portera plus tard à une admirable intensité par les moyens d'un humour subtil et déchirant.

En attendant, du vaudeville de Scribe, le théâtre bourgeois est passé en France à la comédie de mœurs d'Émile Augier, puis de Dumas fils, avec le dessein de peindre la société contemporaine telle qu'elle est : la question d'argent, les problèmes du couple, la prostitution, la morale sociale, voilà quelques-uns des principaux thèmes qui sont désormais abordés par les dramaturges, soit avec un moralisme un peu sentencieux, soit avec l'ambition, comme chez Dumas, d'aider utilement à la transformation du monde. Mais ni Dumas ni ses successeurs du xixe ou du xxe siècle ne mettent en cause les structures surannées de la comédie ; le réalisme, chez tous, demeure descriptif et superficiel, sans chercher à être une méthode de lecture critique du réel ; leur théâtre, enfin, quand il prétend servir une thèse, perd tout son pouvoir spécifique au profit d'une éloquence superficielle et de plats artifices de fabrication. Seul Labiche, dans le domaine proprement comique, retrouve une veine inventive : il tend à son public un miroir déformant, et c'est par le biais d'une fantaisie minutieuse et effrénée qu'il donne une profonde vérité à sa peinture de la bourgeoisie du temps.

Tant et si bien que la comédie s'enlise peu à peu dans la[...]

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Écrit par

  • : agrégé des lettres classiques et docteur ès lettres, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X-Nanterre

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O'Casey - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

O'Casey

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