COMÉDIE
Renaissance de la comédie
La renaissance, en réalité, devait venir d'une contestation beaucoup plus profonde des conventions attachées à l'art de la comédie. Zola, l'un des premiers, en avait appelé à l'audace des jeunes écrivains de théâtre : dès 1897, Jules Renard transforme le ton du genre, en revenant à une rigueur et à une densité dans le dialogue depuis longtemps perdues. Georges Courteline crée de nouveaux types comiques, empruntés à la vie contemporaine, et renoue, lui aussi, avec une exacte vérité humaine et sociale. Parallèlement, le théâtre se rouvre aux poètes ; Yeats et Synge en Irlande, Claudel (par ses farces lyriques) en France, réconcilient la comédie avec l'imaginaire, en la libérant du même coup de ses entraves. De Supervielle à Lorca et à Schehadé, de T. S. Eliot à Fry, de nouvelles perspectives ne cessent ainsi de s'ouvrir jusqu'à nos jours. Dans un autre domaine, les Belges Crommelynck et Ghelderode redonnent vie aux paroxysmes truculents de la farce flamande. Pirandello révolutionne d'autre part le théâtre psychologique, pour soumettre à révision les notions de vérité, de mensonge, de réalité, de personnage et de raison. C'est le contenu et le style mêmes de la comédie qui sont ainsi bouleversés, de diverses manières.
D'autres écrivains conçoivent de dynamiter le théâtre traditionnel par une subversion beaucoup plus radicale, et c'est également dans les dernières années du xixe siècle que ce mouvement commence avec Jarry : dans Ubu, sous la poussée d'un burlesque violent, les idées reçues volent en éclats ; le personnage s'efface devant la marionnette, l'action intelligible devant une logique absurde, le réalisme devant le fantastique, l'irrationnel et le langage en liberté. Des surréalistes et de Vitrac, dont le théâtre s'en prend à toutes les valeurs bourgeoises, à Ionesco qui pousse jusqu'à ses extrêmes conséquences la subversion du langage et la mise en déroute de la logique ; du Polonais Witkiewicz à son compatriote Gombrowicz et aux Suisses Frisch et Dürrenmatt ; du Russe Maïakovski, qui mêle le futurisme, la cocasserie clownesque et la satire, à l'Irlandais Beckett, dont l'humour engendre une gaieté sinistre, le rire devient un instrument de protestation, de violence et de terreur, tandis qu'Audiberti fait de la comédie le lieu d'un énorme opéra langagier. O'Casey lui avait auparavant restitué, dans un autre ton, toute sa virulence révolutionnaire, et Brecht avait usé du comique pour soumettre la société à une analyse critique par les moyens spécifiques du théâtre. Tous ces écrivains ont au moins ceci en commun qu'ils ont redécouvert les vertus de la farce, de la pantomime, de l'art des marionnettes, de la clownerie du cirque : en un mot, ils ont rompu avec deux siècles de tradition littéraire au théâtre, et c'est au prix de ce retournement total que la comédie moderne a acquis une puissante vitalité.
La comédie bourgeoise, elle-même, n'a pas échappé au cours du xxe siècle à la nécessité d'un certain rajeunissement. Bourdet, Vildrac, puis Anouilh ont, chacun à sa manière, assoupli et enrichi les données reçues du dialogue et de l'intrigue. Romains et Pagnol ont revigoré la satire traditionnelle. Giraudoux, surtout, a créé un univers dramatique en consonance avec la culture de l'entre-deux-guerres, en faisant un usage très personnel du langage et en s'installant à mi-chemin de la réalité et de l'allégorie. En Grande-Bretagne, également, la comédie d'intrigue, la comédie de mœurs et la comédie sentimentale ont pris un brillant éclat avec Shaw, Maugham et Coward, à l'époque même où le genre entrait apparemment dans la dernière phase de sa décadence. Aux États-Unis, enfin, c'est surtout la comédie musicale à grand spectacle qui témoigne du visage nouveau et original[...]
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Écrit par
- Robert ABIRACHED : agrégé des lettres classiques et docteur ès lettres, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Média
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