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COMÉDIES BARBARES, Ramón del Valle-Inclán Fiche de lecture

Après la publication des quatre Sonates (1902-1905), encore dans l'esthétique du modernisme, Ramón del Valle-Inclán (1866-1936) fait paraître les romans de La Guerre carliste (1908-1909) et les Comédies barbares, qui évoquent, dans un style plus réaliste, des aspects de l'époque historique contemporaine. Trois drames en prose composent cet ensemble théâtral : Águila de blasón (L'Aigle du blason, 1907) ; Romance de lobos (Romance des loups, 1908), Cara de plata (Visage d'argent, 1922). Le drame écrit en dernier prend la première place dans la trilogie, qui a lieu au xixe siècle.

Une trilogie endiablée

Un personnage démesuré se dresse au centre de toute l'œuvre : Don Juan Manuel Montenegro, hobereau galicien, qui dans son château de Lantañón, règne sur son entourage, comme un seigneur médiéval : « C'est un de ces hidalgos coureurs de jupons et despotiques, hospitaliers et violents, qui se conservent comme d'antiques portraits dans les petites villes silencieuses et mortes, dont les noms féodaux évoquent un bruit rouillé d'armures. » Le maître a interdit le passage sur ses terres. Cette décision arbitraire, qui déchaîne la colère des paysans, est le point de départ de la tragédie. Pour se libérer du tyran, on appelle à l'aide un autre notable, le curé de Lantañón, personnage tout aussi haut en couleur et guère plus recommandable. Une jeune fille, Sabelita, filleule de Don Juan, qui en fera sa concubine, est au cœur de l'affrontement violent du chevalier, d'une part, avec le curé qui veut l'arracher à l'emprise de son parrain, et, d'autre part, avec Cara de Plata, le cadet des six fils du gentilhomme, lui aussi amoureux de la jeune fille. Sur cette trame, les épisodes se précipitent : fureur, luxure, ambition, orgueil, sacrilège, les passions se donnent libre cours, dans le décor d'une Galice immémoriale et pittoresque.

Le rythme endiablé de cette première partie ne se dément pas dans Águila de blasón. La maison de Don Juan est attaquée par des bandits. Le gentilhomme, grièvement blessé, a cru reconnaître ses fils parmi les assaillants. « Tous désirent ma mort, s'exclame-t-il, et mes fils les premiers ! Ces misérables que j'ai engendrés pour ma honte transformeront en grotte de voleurs cette demeure de mes aïeux. » Mais le père outragé refuse de dénoncer ses enfants au fonctionnaire de police venu enquêter. Les épisodes se succèdent : retour de Doña María, l'épouse bafouée, qui vit recluse dans son manoir, fuite et suicide raté de Sabelita.

Dans Romance de lobos, Don Juan Manuel accourt, bravant tous les dangers, auprès de son épouse agonisante, qui n'a jamais cessé d'aimer ce mari extravagant ; il arrive trop tard, alors que la horde sauvage de ses fils, se disputant l'héritage, pille sauvagement la maison de leur mère. Les scènes cruelles ou pathétiques, la mer démontée, la nuit tragique, le naufrage, les sorcières, les âmes en peine, les chiens furieux, la troupe des mendiants qui entourent le gentilhomme dont la raison vacille, et qui va mourir sous le coup mortel que lui porte un de ses fils, tout concourt à donner à cette tragédie des dimensions de catastrophe, où un monde s'engloutit dans la folie et la fureur.

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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