COMÉDIES MUSICALES. LA JOIE DE VIVRE AU CINÉMA (exposition)
Dialogue d’images
Après une sorte d’antichambre consacrée à Gene Kelly dansant sous la pluie et qui établit une chronologie du genre, le visiteur se retrouve rapidement dans un espace plus large qui constitue l’« agora » de la visite : on s’installe devant un impressionnant triple écran où défilent souvenirs, explications et comparaisons. En la merveilleuse ouverture de West Side Story sur Manhattan s’incrustent les cartes postales de la Grosse Pomme. La course hippique d’Ascot, figée dans l’artifice d’une fabuleuse déclinaison de costumes en noir, blanc et gris perle, est tout à coup comme déchirée par l’irruption des chevaux au galop (MyFair Lady, George Cukor, 1964), magnifiée par la polyvision. Tandis qu’au centre les jumelles Garnier chantent leur célèbre chanson (Les Demoiselles de Rochefort, Jacques Demy, 1967), vêtues de leur robe trapèze, les deux panneaux latéraux nous montrent en noir et blanc Catherine Deneuve et Françoise Dorléac en train de répéter leurs danses. Le secret de la danse au plafond de Fred Astaire nous est expliqué (Mariage Royal[Royal Wedding], Stanley Donen, 1951). Une juxtaposition éclairante de Michael Jackson dans la chanson « Smooth Criminal » (Moonwalker, Jerry Kramer, Jim Blashfield, Colin Chivers, 1988) et du « Girl Hunt Ballet » de Tous en scène (The Band Wagon, Vincente Minnelli, 1953) montre tout ce que le moonwalk doit à Fred Astaire. Théière et chandelier forment une joyeuse farandole autour de La Belle et la Bête (Beauty and the Beast, Gary Trousdale, Kirk Wise, 1992) pour rappeler que beaucoup de films d’animation sont des films musicaux.
On resterait longtemps ainsi, à même le sol, bercé de chansons et de rythmes, et émerveillé par les images et le mouvement. Mais de petites alcôves recèlent encore bien des plaisirs : un coin pour les enfants où, en français, Julie Andrews exerce en « nurse » (« Supercalifragilisticexpialidocious » ; Mary Poppins, Robert Stevenson, 1964) ou en professeur de solfège (« Do ré mi » ; La Mélodie du bonheur[The Sound of Music], Robert Wise, 1965). Dans une autre alcôve, on peut suivre un cours de claquettes, tandis que dans une troisième le chorégraphe Busby Berkeley déploie ses motifs géométriques « surréalisants » et ses kaléidoscopes fluorescents. On quitte à regret cet espace, somme toute petit, mais qui, le temps de la visite, a pris les dimensions illimitées de l’imaginaire. Loin de faire double emploi, le somptueux catalogue permet d’approfondir, par l’information et l’analyse de spécialistes internationaux, ce qui avait d’abord émerveillé le regard.
Comédies musicales a le mérite d’être à la fois une exposition pédagogique, instructive et rigoureuse tout en ayant une dimension irrésistiblement ludique. N. T. Binh a trouvé ici l’art et la manière d’une forme résolument moderne qui tient compte de la spécificité du cinéma.
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Écrit par
- Christian VIVIANI
: historien du cinéma, professeur émérite, université de Caen-Normandie, membre du comité de rédaction de la revue
Positif
Classification
Médias