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COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D'ÉTHIQUE

Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) est une instance pluridisciplinaire de réflexion dont la mission porte sur les « questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ».

Le CCNE a été créé en 1983 par le président de la République François Mitterrand, à la suite de la naissance d'Amandine, le premier bébé français conçu par fécondation in vitro en 1982. La France a été le premier pays à se doter d'une telle instance. Parmi les thèmes les plus fréquemment abordés dans ses travaux figurent le don des éléments du corps humain (sang, gamètes, organes, etc.), la fin de vie, la génomique et, surtout, l’assistance médicale à la procréation (AMP).

Quatre fois par an en moyenne, le CCNE rend publics des avis qui répondent à des demandes (appelées saisines) provenant d'organismes de recherche, d'autorités sanitaires, voire de ministères. Ces demandes peuvent aussi émaner du chef de l'État, comme ce fut le cas au sujet du clonage reproductif en 1997 ou encore de la fin de vie en 2013. Un particulier n'est pas habilité à formuler une demande d'avis au CCNE, mais ce dernier peut s'emparer d'une question qui fait débat au sein de la société par le biais de la procédure de l’autosaisine. Ainsi, en 2005, le CCNE a rendu un avis sur les dilemmes que rencontrent les médecins lorsqu'un patient refuse un soin alors que des traitements existent (transfusion sanguine, par exemple). En 2017, il s’est « autosaisi » des problèmes éthiques soulevés par le défaut de prise en charge sanitaire des migrants.

Les avis du CCNE sont officiellement exprimés par voie de conférence de presse. Ils parachèvent la délibération collégiale d’une assemblée nombreuse, composée d’un président et de trente-neuf membres (médecins, chercheurs, philosophes, juristes, théologiens), et interviennent généralement dans un délai de un à deux ans après le dépôt d’une saisine. Ils n’ont pas force de décision politique et ne sont que consultatifs : il revient au législateur de trancher, quelle que soit la position prise par le CCNE ; cependant, les pouvoirs politiques ne peuvent pas aisément faire abstraction de ses positions. Ainsi, il est arrivé que le gouvernement recule sur certaines décisions après de vives réserves émises par le CCNE, notamment à propos de politiques de dépistage visant à contrôler des populations « suspectes » (enfants agités, migrants candidats au regroupement familial, etc.). En 2013, le président de la République François Hollande déclara que, sur la question de l’ouverture de la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes, il se rangerait à l’avis du CCNE, au risque de lui conférer un statut décisionnaire.

Les séances de réflexion du CCNE se déroulent à huis clos afin d'assurer la pleine liberté d'expression de ses membres. En dehors de ces moments, un membre ne peut s’exprimer sur l'avancée des travaux du Comité ni sur les opinions émises par d’autres membres en séance. Les règles du jeu sont celles que le philosophe allemand Jürgen Habermas a formalisées dans son ouvrage De l’éthique de la discussion (1991). Chacun parle en son nom propre : il n'est pas le porte-parole de l'institution qui l'a désigné. Il doit faire preuve d’indépendance d’esprit mais aussi de sincérité et respecter un temps de parole équivalent à celui des autres. Le président du CCNE veille à limiter tout biais de disparité locutoire en encourageant la parole des uns et en contenant celle des autres. De leur côté, les membres doivent s’efforcer d’entrer dans le point de vue des autres, accepter de subir leurs éventuelles critiques et formuler les leurs sans outrance, en usant de précautions oratoires. Chacun doit se montrer[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités en philosophie à l'université d'Aix-Marseille-II, président du comité de déontologie de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail

Classification

Autres références

  • ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP) ou PROCRÉATION MÉDICALEMENT ASSISTÉE (PMA)

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