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COMITÉS D'ÉTHIQUE BIOMÉDICALE

Les stratégies de la politique

Le consentement éclairé du sujet est central dans l'entreprise de moralisation de la recherche biomédicale. Cette référence à l'individu prend plusieurs formes.

En France, le Comité national d'éthique est composé de trois catégories de membres : des représentants des principales familles philosophiques et spirituelles, des membres appartenant à des institutions publiques et des personnalités choisies par le ministre en raison de leur compétence pour les problèmes d'éthique. Il peut y avoir recoupement d'une catégorie de l'un à l'autre, un représentant d'une famille spirituelle, par exemple, étant lui-même un scientifique. Cette composition reflète un partage des compétences entre trois pouvoirs : religieux, politique et scientifique ; et on a cherché dans la variété des appartenances aux familles spirituelles (l'athéisme sous sa forme marxiste n'a pas été oublié) la garantie d'un fonctionnement démocratique, c'est-à-dire pluraliste. Cette ouverture du Comité national d'éthique sur les différentes composantes de la société ne se retrouve pas dans les comités d'éthique existant à la base, dont le recrutement est encore essentiellement fondé sur la compétence médicale et hospitalière. En l'état, malgré la présence des politiques, les problèmes posés par l'expérimentation sur l'homme restent le domaine des spécialistes de « l'individu » : les scientifiques, fortement marqués, pour des raisons de méthode et d'idéologie, par les doctrines individualistes du monde anglo-saxon, et les représentants des familles spirituelles, qui ont traditionnellement en charge les membres de la communauté.

Une autre initiative du pouvoir politique fut la loi concernant la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales (1988-1990), loi qui intervient dans le souci d'harmoniser les conditions d'expérimentation pharmaceutique en usage en France avec la législation européenne.

La distinction entre le promoteur, qui prend l'initiative d'une recherche biomédicale (la firme pharmaceutique, par exemple), et l'investigateur, le médecin qui assure la conduite de l'expérimentation, permet de fixer les responsabilités de chacun face au sujet de l'expérience. La personne doit consentir à cette expérience. Les formes de son consentement occupent une place centrale dans le dispositif juridique et doivent être sanctionnées par des échanges écrits entre l'investigateur et le sujet de l'expérience.

Ainsi, dans cette loi, les caractéristiques de la relation thérapeutique sont mises à distance puisque l'investigateur ne peut réserver certaines informations qu'à titre exceptionnel. L'idée de contrat instaure des rapports d'égalité entre les personnes, mais elle correspond également à une facon d'impliquer les individus dans leurs actes. L'autorisation de l'expérimentation biomédicale sur des sujets sains n'a pu être accordée qu'au prix de cette attention à l'individu. La reconnaissance des droits subjectifs du sujet en expérience traduit la confiance que la société met dans l'opération de choix (pesée des arguments, équilibre des bénéfices et des inconvénients, calcul des risques), mais elle révèle aussi l'existence d'un modèle d'organisation sociale, constitué autour du pouvoir des usagers que l'apparition de nouvelles maladies (le sida notamment) a fortement contribué à développer dans le domaine de la santé. D'après des entretiens menés avec des médecins, l'existence de patients très au fait de l'information médicale par la lecture des revues spécialisées et l'appartenance à des associations modifierait sensiblement la relation thérapeutique traditionnelle. Ce serait en connaissance de cause et non par délégation de confiance que des patients accepteraient l'expérimentation, voire la réclameraient.[...]

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François Jacob

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