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COMMEDIA DELL'ARTE

L'influence de la commedia dell'arte

Le rayonnement de la commedia dell'arte s'est étendu à tous les pays d'Europe, où elle a laissé des traces profondes dans l'imagination populaire aussi bien que dans le théâtre, la poésie et les arts. Plusieurs de ses personnages se sont mêlés aux figures produites par les différents folklores nationaux ou ont contribué à en engendrer de nouvelles. Mais c'est en France que la commedia a trouvé, dès le dernier tiers du xvie siècle, sa seconde patrie : nulle part ailleurs, elle ne s'est aussi intimement mêlée à la vie dramatique, pour modifier à ce point le théâtre lui-même. Depuis le jour où les premières troupes italiennes se sont introduites à Paris, dans les années 1570, elles n'ont cessé d'y trouver protection et encouragements. Malgré leurs démêlés avec les comédiens français, jaloux de leurs prérogatives, et avec les autorités religieuses ou politiques, offusquées de l'audace de leurs gestes et de leurs propos sur la scène, elles s'implantent à demeure à Paris au milieu du xviie siècle : en 1645, Tiberio Fiorelli, le fameux Scaramouche qui, à plus de quatre-vingts ans, réussissait encore à se gifler avec le pied, s'établit au Petit-Bourbon, puis au Palais-Royal, où sa compagnie jouera, vers 1660, en alternance avec celle de Molière. En 1668, les comédiens italiens commencent à s'exprimer en français, mais, l'ordre moral s'appesantissant, ils sont chassés en 1697 pour avoir froissé la susceptibilité de Mme de Maintenon. Dès 1716, le Régent charge Luigi Riccoboni de réunir une nouvelle troupe, qu'il réinstalle à l'hôtel de Bourgogne. Tous les jours, désormais, la Comédie-Italienne se francise davantage. Après s'être adressée à Regnard, elle demande des scénarios à Lesage et à de nombreux autres écrivains, en attendant de jouer Marivaux. En 1762, elle fusionne avec l'Opéra-Comique, issu du théâtre de foire, avec lequel elle avait de nombreuses affinités ; mais les acteurs italiens sont encore une fois renvoyés en 1779. On ne les reverra plus. Mais, de Sganarelle à Crispin, d'Arlequin à Figaro, de Géronte à Bartolo, de Silvia à Rosine, ils auront fait essaimer leurs personnages à travers tout le théâtre français. Sans eux, ni Molière, ni Marivaux, ni Beaumarchais ne seraient tout à fait devenus eux-mêmes. Masques et bergamasques, enfin, traversent toute la peinture et la poésie françaises, de Callot à Verlaine, de Lancret à Picasso, de Watteau à Apollinaire. Mais il y a plus.

Sacha Guitry et Yvonne Printemps - crédits : James Abbe/ Getty Images

Sacha Guitry et Yvonne Printemps

Dès le xixe siècle, la commedia dell'arte se réincarne sur le boulevard du Crime sous les traits du mime Debureau. Bientôt, elle ressuscitera au cirque sous le masque enfariné des clowns, puis au cinéma, sous les allures de Charlot ou de Max Linder. On la retrouve encore dans les marionnettes, et surtout au théâtre où Gordon Craig, Meyerhold, Copeau, Dullin, Barrault ont chacun essayé de s'approprier ses secrets pour rénover au xxe siècle l'art du comédien. Non seulement la « famille Arlequin » est réapparue sur les planches, en particulier dans les admirables mises en scènes de Giorgio Strehler au Piccolo Teatro de Milan, mais elle revit au cœur même de l'enseignement de l'art dramatique moderne : la pédagogie s'inspire, en matière théâtrale, des figures et des techniques jadis inventées par les comédiens ambulants d'Italie, et les gens du spectacle redécouvrent que l'honneur de leur métier, c'est d'être d'abord un artisanat.

— Robert ABIRACHED

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Écrit par

  • : agrégé des lettres classiques et docteur ès lettres, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Médias

La Comédie italienne, A. Watteau - crédits : courtesy National Gallery of Art, Washington

La Comédie italienne, A. Watteau

<em>Farceurs français et italiens</em>, anonyme - crédits : Art Media/ Print Collector/ Getty Images

Farceurs français et italiens, anonyme

Sacha Guitry et Yvonne Printemps - crédits : James Abbe/ Getty Images

Sacha Guitry et Yvonne Printemps

Autres références

  • APPARITION DE LA COMMEDIA DELL'ARTE

    • Écrit par
    • 227 mots

    La commedia dell'arte est d'abord le théâtre de l'art, du métier, autrement dit un artisanat de théâtre produit par des professionnels regroupés en troupe et jouant le plus souvent à la cour ou dans des théâtres fixes. Ce phénomène théâtral s'établit sur deux siècles et demi (de la seconde moitié...

  • ATELLANES, théâtre

    • Écrit par
    • 209 mots

    Farces du théâtre latin. Il s'agissait probablement de comédies rustiques improvisées, jouées par des caractères masqués. Ces farces tiraient leur nom de la ville d'Atella en Campanie, et il semble qu'elles soient nées parmi les populations italiques parlant le dialecte osque. Dans la Rome antique,...

  • BEAUMARCHAIS PIERRE-AUGUSTIN CARON DE (1732-1799)

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    ...certaines des parades auxquelles l'auteur s'était essayé de si bonne humeur. Ces pièces en un acte mettent en œuvre un canevas conventionnel, adapté de la commedia dell'arte : Léandre, aidé par Arlequin, recherche une Isabelle peu farouche et s'oppose ainsi aux desseins du barbon, Cassandre. ...
  • CANEVAS, théâtre

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    • 226 mots

    Au xvie siècle, avec la commedia dell'arte, les Italiens donnent à la vieille tradition de la farce un développement remarquable. Les acteurs doivent développer avec verve sur un canevas un dialogue improvisé entre des personnages stéréotypés. Théâtre de professionnels, la commedia dell'arte...

  • CAPITAN

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    Personnage de la comédie italienne, prototype du militaire fanfaron mais poltron. Capitan est le descendant du miles gloriosus latin, personnage des comédies de Plaute ; à l'origine, c'est une parodie des mercenaires français et espagnols qui sillonnaient l'Italie au xvie siècle....

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