COMMERCE DES FOSSILES
Les médias font régulièrement état de ventes aux enchères de squelettes de dinosaures et d’autres grands animaux disparus, qui peuvent atteindre des prix vertigineux. Le record en la matière semble être détenu par un squelette de Tyrannosaurus rex vendu 31,8 millions de dollars en 2020 et destiné au futur musée d’Histoire naturelle d’Abu Dhabi (Émirats arabes unis). Ces ventes spectaculaires attirent l’attention sur un commerce souvent ignoré du public bien qu’il soit très actif, celui des fossiles. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, il ne s’agit en aucun cas d’un nouveau phénomène. En effet, les fossiles ont fait l’objet d’échanges commerciaux depuis des temps reculés. Admis pendant longtemps, ce commerce suscite désormais des débats quant à sa déontologie, voire sa légalité, et à ses conséquences pour la science paléontologique. Pour comprendre ces controverses, il est nécessaire de les replacer dans une perspective historique.
Des échanges remontant à la Préhistoire
Diverses découvertes archéologiques ont montré que, dès la Préhistoire, les humains se sont intéressés aux fossiles et en ont apporté dans leurs habitats. Certains de ces objets ont été transportés sur de longues distances, ce qui suggère certains circuits d’échanges. Ainsi, un trilobite (fossile marin caractéristique de l’ère paléozoïque et ayant disparu il y a quelque 250 millions d’années), trouvé dans des niveaux magdaléniens (datant d’environ 17 000 à 14 000 ans) d’une des grottes d’Arcy-sur-Cure (Yonne) et transformé en objet de parure, paraît provenir d’Europe centrale. Pour des périodes plus récentes, on a la preuve d’un véritable commerce de certains fossiles auxquels on attribuait des vertus thérapeutiques. Ainsi, à partir du Moyen Âge et jusqu’au xviiie siècle, on a désigné sous le nom de « licorne fossile » des restes de mammifères quaternaires, souvent des ours des cavernes extraits de grottes, considérés comme provenant de la fabuleuse licorne, et notamment de sa corne. On fabriquait à partir de ces fossiles des remèdes censés être efficaces en particulier contre les poisons, et vendus à des prix élevés. En Chine, la pharmacopée traditionnelle voyait dans les os et dents de mammifères fossiles ceux de dragons, et on leur prêtait des vertus curatives extraordinaires. Ces « dents de dragons » étaient vendues pour être réduites en poudre, faisant l’objet d’un commerce très actif entre les sites fossilifères et les boutiques des apothicaires des grandes villes. C’est d’ailleurs en y achetant des spécimens que les paléontologues occidentaux eurent d’abord accès aux richesses fossiles de la Chine. On peut d’ailleurs encore acquérir de tels fossiles « médicinaux » dans les pharmacies traditionnelles de Macao, Hong Kong ou Taïwan.
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Écrit par
- Eric BUFFETAUT : directeur de recherche émérite au CNRS
Classification
Médias