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COMMERCE INTERNATIONAL Politique du commerce extérieur

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Adaptation des politiques commerciales aux chocs contemporains

Crises et souveraineté

À partir de 2008, le contexte dans lequel s’inscrivent les politiques commerciales est marqué par de profonds bouleversements. Durant la décennie qui s’ouvre, les crises et les défis se succèdent : crise monétaire de 2008, Brexit, guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, crise du multilatéralisme, pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, ruptures technologiques, notamment en matière d’énergie et de transport, dues à l’accélération du changement climatique à laquelle il faut tenter de remédier. Une prise de conscience des risques que courent les économies à trop s’ouvrir s’installe dès la crise monétaire de 2008, comme en témoigne l’accroissement du nombre total de nouveaux ONT. La perspective de trouver un accord de libre-échange de grande ampleur sur le commerce, demandé à la conférence de l’OMC de Doha dès 2001, s’éloigne de plus en plus, d’autant que le président américain Donald Trump refuse, entre 2017 et 2021, toute forme de multilatéralisme. Tous les pays manifestent leur méfiance à l’égard du libre-échange, comme le montre le fait que le nombre de demandes devant les divers comités de l’OMC pour se plaindre de la concurrence étrangère (appelées « préoccupations commerciales ») est multiplié par quatre entre 2015 et 2022 et le nombre de droits compensateurs qui avait diminué entre 2000 et 2007 augmente à nouveau entre 2008 et 2022. La pandémie de 2020 – qui met en lumière l’ampleur des liens de dépendance des pays avancés par rapport aux pays émergents – et la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine ne font que renforcer le besoin d’autonomie. Face à ces chocs, chacune des grandes puissances économiques adapte sa politique au plus près de ses intérêts.

La politique commerciale de l’UE

Retour vers un certain protectionnisme

Depuis sa création, l’UE considère que l’ouverture est un puissant facteur de croissance. Cela se traduit par le fait que son taux d’ouverture (rapport entre la demi-somme des exportations et des importations de biens et services et le PIB) a jusqu’ici toujours été supérieur à celui des deux autres grandes puissances, même si les crises à partir de 2008 ont mis à mal en Europe l’idée que le libre-échange est toujours bénéfique : en 2022, ce taux d’ouverture s’élève encore à 25,2 % (hors échanges intra-UE) contre 19,3 % en Chine et 13,9 % aux États-Unis. Cette ouverture rend l’Europe plus sensible aux fluctuations de la conjoncture économique que ses concurrents. À partir de 2017, l’UE durcit sa position et adopte des mesures plus radicales qu’auparavant, rendant moins justifié le reproche qui lui est souvent fait d’être trop libérale. Elle met en place un système plus protecteur à l’encontre des pratiques commerciales déloyales, en permettant plus facilement l’antidumping et en instaurant de nouvelles règles pour les instruments de défense commerciale (IDC). En 2019, un nouveau règlement est adopté sur le filtrage des IDE entrants et, en 2023, l’UE crée un instrument coercitif destiné à la protéger de certains pays tiers, par la dissuasion et par des contre-mesures. Comme tous les pays avancés, l’UE érige un droit NPF moyen faible pour les produits importés (6,5 % en 2022). Mais elle impose des licences d’importation sur certains produits et, surtout, recourt beaucoup, depuis 2019, aux enquêtes et droits antidumping et compensateurs sur certains produits. En 2023, l’UE utilise l’ensemble de cet arsenal à l’encontre des entreprises chinoises, particulièrement dans le secteur des véhicules électriques dont le taux de taxation sera fortement augmenté en 2024 (jusqu’à 48 % pour certains véhicules), la Chine répliquant par l’ouverture d’une enquête antidumping à l’encontre de produits européens. Au moment de la pandémie de Covid-19, en 2020, l’UE a pris conscience de sa trop grande dépendance vis-à-vis[...]

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Écrit par

  • : docteur en sciences économiques, professeur émérite à l'université de Paris Dauphine

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