COMMERCE INTERNATIONAL Politique du commerce extérieur
Article modifié le
Les analyses économiques de la politique du commerce extérieur
Économie politique de la protection
L’économie politique de la protection s’intéresse aux motivations de la politique du commerce extérieur. La demande de protection ou de libre-échange émane des facteurs de production (salariés et détenteurs du capital) dont les revenus dépendent des quantités produites et des prix. Les faibles prix des biens importés pénalisent les facteurs des secteurs concurrencés par les importations, mais le plus grand accès aux marchés extérieurs favorise les facteurs des branches très exportatrices. La demande de protection varie donc selon les facteurs et selon les branches. Si la branche a pu constituer un groupe de pression suffisamment fort, elle cherchera à obtenir une politique commerciale qui l’avantage, mais qui peut pénaliser d’autres secteurs. Ainsi, se protéger des importations d’acier à la demande de la sidérurgie favorise le secteur de l’acier, mais pénalise l’industrie automobile et aéronautique. L’État doit donc choisir entre les diverses demandes. Gene Grossman et Elhanan Helpman, dans une analyse qui fait référence (1994), indiquent que la politique commerciale (ensemble de taxes et d’aides) résulte d’une prise en compte par le gouvernement, d’une part de son intérêt à être soutenu par certains lobbies et d’autre part des coûts supportés par la collectivité qui paie les subventions et subit des hausses de prix. La politique retenue par l’État résulte d’un arbitrage entre le coût du soutien aux lobbies pour se maintenir au pouvoir et les désavantages de cette politique pour les consommateurs et les contribuables.
Avantages et pertes
La politique du commerce extérieur peut aussi être étudiée sous l’angle de ses effets et non de ses causes. Une politique engendre des gains et des pertes pour le pays et pour l’ensemble du monde. Pour le courant mercantiliste, qui domine la pensée économique entre le xvie siècle et le début du xviiie siècle, l’État doit soutenir certaines activités pour leur permettre d’exporter le plus possible et doit protéger toutes celles menacées par la concurrence étrangère. Le pays obtient ainsi un excédent commercial qui enrichit la nation puisqu’il fait entrer des espèces monétaires sur le territoire national. David Ricardo (1772-1823), dans la théorie des avantages comparatifs, contredit cette argumentation en montrant qu’en se spécialisant de façon complémentaire et en échangeant entre eux, tous les pays sont gagnants par rapport à l’autarcie, chacun profitant des avantages des autres. Le libre-échange serait donc préférable à toute situation supposant l’intervention de l’État. Mais cette thèse ignore les écarts de développement entre pays. Prenant en compte ce facteur, Friedrich List (1789-1846) critique le principe du libre-échange pour tous et justifie le protectionnisme éducateur pour les pays en retard technologiquement. Le système généralisé des préférences (SGP) dont bénéficient les pays peu développés repose bien sur cet argument. Par ailleurs, dans la théorie de Ricardo, aucun pays ne dispose d’une taille suffisante pour peser sur le marché mondial. Or, si un pays dispose d’un pouvoir de marché et importe certains biens, Harry G. Johnson (1923-1977) montre que ce pays peut, en prélevant des droits bien choisis, obliger les pays exportateurs à baisser suffisamment leurs prix (avant taxation) pour en obtenir un gain. Cette politique de protectionnisme unilatéral ignore l’intérêt général puisque, dans ce cas, le gain du grand pays est inférieur à la perte de tous les autres. Par ailleurs, cette thèse ne rend pas pleinement compte de la situation actuelle dans laquelle plusieurs grandes puissances (et non une seule) peuvent exercer ou tenter d’exercer leur pouvoir de marché dans certains secteurs. En se fondant sur cette hypothèse, Kyle Bagwell et Robert Staiger (1999) montrent[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard GUILLOCHON : docteur en sciences économiques, professeur émérite à l'université de Paris Dauphine
Classification
Autres références
-
GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) ou ACCORD GÉNÉRAL SUR LES TARIFS DOUANIERS ET LE COMMERCE
- Écrit par Marie-France BAUD-BABIC
- 261 mots
-
ACIER - Économie
- Écrit par Franco MANNATO
- 10 178 mots
Lesévolutions différentes de la consommation et de la production d'acier dans les différentes zones du monde ont entraîné par voie de conséquence des transformations importantes au niveau des traditionnels flux d'échanges de produits sidérurgiques. En 1985, les échanges mondiaux de produits sidérurgiques... -
AGRICOLE RÉVOLUTION
- Écrit par Abel POITRINEAU et Gabriel WACKERMANN
- 8 076 mots
« L'habitude s'est prise de désigner, sous le nom de révolution agricole, les grands bouleversements de la technique et des usages agraires qui, dans toute l'Europe, à des dates variables selon les pays, marquèrent l'avènement des pratiques de l'exploitation contemporaine » (Marc Bloch)....
-
AGRICULTURE - Histoire des agricultures jusqu'au XIXe siècle
- Écrit par Marcel MAZOYER et Laurence ROUDART
- 6 086 mots
- 2 médias
... siècle, ces agriculteurs, disposant de beaucoup d'espace, ont rapidement adopté les nouvelles machines issues de l'industrie et ont produit des surplus croissants, à bas prix, qui ont pu être transportés par chemins de fer et par bateaux à vapeur jusqu'en Europe, le seul grand marché solvable... - Afficher les 187 références