COMMON LAW
Pour comprendre ce qui caractérise le droit anglais et tous les autres droits nationaux qui lui sont affiliés, il faut mettre en lumière la logique de la common law d'Angleterre, véritable matrice du droit anglo-saxon et phénomène exceptionnel, sinon incompréhensible, aux yeux des juristes du continent européen. Se singularisant par sa préférence pour une approche casuistique, la common law a élaboré un ensemble de concepts et de procédures qui, malgré leur méconnaissance de toute logique de codification, et en dépit de leur aspect archaïque et irrationnel, ont été d'une grande importance dans l'expansionnisme économique et politique anglais aux xviiie et xixe siècles. L'unification progressive des cultures administratives et économiques mondiales à la fin du xxe siècle entraîne sans doute un nivellement des différences entre les traditions juridiques ; néanmoins, une appréciation de la rationalité particulière de la common law demeure essentielle à une compréhension de l'évolution politique et économique de l'Angleterre et de ses anciennes colonies.
Histoire
La common law ne se réfère à aucun acte fondateur, telle une conquête ou une codification. Selon les juristes médiévaux elle existait depuis des temps immémoriaux (time immemorial). Cette formule met en évidence l'étrange rapport qu'entretient la common law avec son passé. À la fin du xixe siècle, Maitland, célèbre historien du droit anglais, soutenait que la common law était incapable de comprendre sa propre histoire. Si l'historien cherche à repérer chaque institution ou concept juridique dans la ligne d'une évolution chronologique, pour le juriste britannique ces éléments n'ont de réalité que pris dans un raisonnement concret ; ils n'ont que le sens et la valeur que leur donne, pour chaque cas litigieux, une argumentation valide ou vraisemblable. Cette approche touche aux fondements mêmes du droit anglais. Tout le génie et la singularité de la common law se retrouvent dans cet art de façonner le passé jurisprudentiel de ce qu'elle est en train de fabriquer, et donc de se soustraire aux repères de l'historien. Néanmoins, les interprétations de l'historien et du juriste s'accordent fortuitement sur une représentation des origines de la common law. Pour répondre aux actions en revendication d'une terre lorsque la preuve par témoignage d'une possession de longue durée devenait impossible, les juristes étaient obligés de dater le moment au-delà duquel la mémoire juridique s'éteint. La common law retient le 3 septembre 1189, le jour où Richard Ier succède à Henri II (1154-1189). Or, c'est justement sous le règne d'Henri II que les historiens situent les réformes qui ont le plus marqué, et par là singularisé, l'esprit du droit anglais.
Bien avant la conquête normande de 1066, on retrouve les germes d'un droit unifié dans le rôle de la curia regis (la cour du roi et de ses conseillers) ; toutefois, ce n'est qu'au xiie siècle que cette juridiction d'exception est devenue le système bureaucratique et uniforme de la nouvelle common law. Dès le xe siècle, apparaissent les counties (comtés) tels qu'ils existent dans la Grande-Bretagne d'aujourd'hui. Chaque shire (terme anglo-saxon peu à peu supplanté par son équivalent normand county) comprenait une cour principale, ainsi que plusieurs cours de hundred (chaque hundred réunissant entre deux et vingt villages). La justice royale étant trop chère ou trop éloignée, la plupart des justiciables avaient recours à ces assemblées, non seulement pour faire juger leurs contentieux, mais aussi pour rendre ou demander conseil, pour passer des actes juridiques, et pour discuter les affaires du pays. Guillaume le Conquérant, soucieux de se présenter comme successeur légitime des rois anglo-saxons,[...]
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Écrit par
- Alain POTTAGE : professeur de droit au London School of Economics and Political Sciences
Classification
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