COMMON LAW
Institutions
À partir d'une distinction floue entre la justice royale et les juges provinciaux, la common law a établi une division définitive entre des juridictions centrales, « dominatrices », renforcées par leurs procédures bureaucratiques, et la masse de juridictions inférieures ignorées par la doctrine. Cependant, le succès de la justice royale n'a aucunement freiné l'évolution de ces juridictions périphériques. À l'aube des grandes réformes de la seconde moitié du xixe siècle qui ont bâti l'actuel système judiciaire, il existait encore une grande variété de compétences particulières réservées à ces juridictions. Cela résultait d'abord du fait qu'encore au xixe siècle la société britannique faisait de la propriété foncière un critère du pouvoir politique et une condition de la capacité judiciaire. Ainsi, le contrôle de la police et la compétence de juger les atteintes à l'ordre public revenaient à certains propriétaires et notables locaux (justices of the peace). Par ailleurs, les tribunaux ecclésiastiques conservaient, depuis 1070, une part importante du contentieux : ce n'est qu'en 1857 qu'ils perdront leur compétence exclusive pour l'action en divorce et la plupart des litiges relatifs aux régimes matrimoniaux. Enfin, la Grande-Bretagne n'ayant pas de droit des affaires unifié au xixe siècle, chaque grande ville avait encore son propre droit coutumier, les conflits étant réglés par des juges consulaires (courts of requests, courts of conscience). Cette juxtaposition de juridictions était incompatible avec l'esprit politique du Reform Act de 1832 qui, en démocratisant l'accès au Parlement, avait consacré la prééminence et le rôle réformateur du pouvoir législatif. Désormais, il était beaucoup moins concevable que les droits d'un justiciable dépendent de son domicile ou de son statut.
L'organisation judiciaire
Le processus d'unification s'est amorcé en 1845 avec l'introduction d'une nouvelle organisation des tribunaux locaux (county courts) ne gardant des anciennes cours que le nom. Ces nouvelles juridictions, intégrées dans un nouveau système bureaucratique, étaient réservées aux juges et aux avocats de profession, et bénéficiaient d'une procédure unifiée. De l'ancien système juridique non professionnalisé n'a été conservé jusqu'à nos jours que le recours au jury pour certaines affaires pénales ; beaucoup de juristes britanniques s'interrogent sur les mérites d'un principe archaïque qui confie des questions de plus en plus compliquées à des personnes sans formation juridique. Les Judicature Acts de 1873 et 1875 ont complété le processus de réforme en permettant aux justiciables de plaider en utilisant soit les règles de l'equity soit celles de la common law devant toute juridiction, éliminant ainsi l'ancienne dichotomie. Néanmoins, cette réforme accomplissait une fusion de compétences et non une unification de concepts. Elle était accompagnée d'une refonte des institutions de la justice royale, désormais agencées sur un modèle pyramidal et hiérarchique. Les juges les plus expérimentés ne connaissent que des appels ; les arrêts qu'ils rendent constituent la jurisprudence et, en définitive, la règle de droit à laquelle les juridictions inférieures sont obligées de se conformer en application de la doctrine du precedent. Au sommet de la hiérarchie on retrouve la Chambre des lords, comprenant une douzaine de juges, pairs du royaume, qui en tant que juges de cassation connaissent de certains arrêts, rendus soit par la Court of Appeal, soit, à titre exceptionnel, par la High Court. La Court of Appeal est la cour d'appel du second degré pour les jugements rendus par la High Court ou les County Courts. Les affaires pénales les plus graves sont de la compétence[...]
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Écrit par
- Alain POTTAGE : professeur de droit au London School of Economics and Political Sciences
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