Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

COMMON LAW

Sources et concepts

Le droit anglais ne connaît que deux sources, la loi (statute law) et la jurisprudence (case law, precedent), la première prévalant sur la seconde. À partir du xixe siècle, la loi, accompagnée par la prolifération des pouvoirs délégués, est rapidement devenue la source principale du droit anglais. Il devrait en résulter que la jurisprudence n'est plus qu'une source de droit dérivée et complémentaire. Elle reste pourtant au premier plan, non seulement parce que l'interprétation des lois nécessite souvent d'avoir recours à des éclairages jurisprudentiels, mais surtout parce que la continuité historique de la common law apparaît de la façon la plus éclatante dans ses techniques de mise en œuvre de la règle du précédent. Sir Matthew Hale, grand juriste du xviie siècle, expliquait la notion de precedent en se référant au célèbre récit du bateau des Argonautes ; même si l'ensemble des parties de la nef Argo fut remplacé au cours de son périple, le vaisseau gardait néanmoins son identité originaire. De même, les juges anglais, soutenus en cela par les théoriciens de la common law, prétendent que les retouches successivement apportées aux règles jurisprudentielles ne modifient aucunement les fondements de ce droit. La common law change tout en restant la même. À la différence de l'application d'une norme juridique qui, dans un système codifié, procède d'un concept abstrait et général, indépendant des circonstances particulières de la cause, l'application d'une règle de la jurisprudence anglaise, tirée de la ratio decidendi (le motif de la décision) d'une affaire antérieure, ne dégage pas de principe général des faits de la cause. L'esprit du droit anglais ne se comprend qu'à partir de ce refus de toute logique de codification.

Cette priorité donnée à la particularité des faits est intimement liée à la tradition de la common law, et plus spécialement à la pratique des writs. Jusqu'au milieu du xiiie siècle, le chancelier introduisait de nouvelles formes de writ afin d'être en phase avec l'évolution de la société féodale. Les juridictions royales ont mis fin à cette créativité, obligeant les justiciables à rattacher leurs demandes à une forme de writ déjà existant. Cela a produit une curieuse technique de « bricolage » juridique dite forms of action. À la base de cette technique, on retrouve une distinction entre deux genres d'actions, celles qui nécessitaient un writ dit praecipe afin de revendiquer un droit in futurum (pour l'avenir), tel le droit de jouir de la possession d'une terre, et celles qui nécessitaient un trespassory writ pour réclamer des dommages-intérêts suite à une faute commise dans le passé. La justice royale n'acceptait originairement que de connaître des trespassory writs se référant à une faute commise vi et armis (avec force et armes) ; cependant, parce que les juridictions inférieures n'accordaient que des dommages-intérêts limités, les juridictions royales se sont trouvées obligées de reconnaître comme valides les nombreuses interprétations artificieuses utilisées par les avocats pour élargir la catégorie de trespass « vi et armis ». Malgré l'apparition au xive siècle d'un writ spécial faisant référence aux faits particuliers de l'affaire (trespass on the case, action on the case), le montage de nouvelles affaires fictives afin d'adapter les trespassory writs aux demandes des justiciables a persisté jusqu'à l'abolition des forms of action en 1832. Or, les writs ne proposaient que des formules vides et abstraites dont le sens pratique ne se manifestait que lors de leur application aux faits de la cause particulière. L'évolution de la common law a été très profondément déterminée par le système du jury de douze citoyens qui fut longtemps la[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de droit au London School of Economics and Political Sciences

Classification

Autres références

  • ADMINISTRATION - Le droit administratif

    • Écrit par
    • 11 863 mots
    • 1 média
    ...résolvaient par la négative, et opposaient au système français leur solution, considérée comme seule conforme à l'idéal libéral : l'unité du droit, la common lawrégissant également les rapports privés et les relations administratives, et l'unité du juge, investi des mêmes compétences et des mêmes pouvoirs...
  • CIVIL DROIT

    • Écrit par
    • 9 082 mots

    Le droit civil est le droit commun d'une nation, c'est-à-dire le droit applicable à tous ses citoyens (« civil » vient du latin civilis, lui-même dérivé de civis, qui signifie « citoyen »). Il est d'abord le droit des identités en ce qu'il institue et garantit l'...

  • CODIFICATION

    • Écrit par
    • 6 905 mots
    • 1 média
    ...évidemment le cas en Grande-Bretagne, où le droit écrit tient une place relativement secondaire, en tout cas en matière civile et commerciale, par rapport à la common law et à l'equity ; il existe seulement un recueil des Laws of England. Le génie juridique anglais est sans doute aussi rebelle à la codification...
  • COMMERCIAL DROIT

    • Écrit par
    • 5 767 mots
    ...typique est celui de la Grande-Bretagne, où la law merchant, qui avait pris naissance au Moyen Âge, a été absorbée à la fin du xviiie siècle par la common law. Depuis cette époque, il n'y a plus, dans cet État, de droit commercial autonome. Les contrats sont régis par des règles identiques, qu'ils...
  • Afficher les 15 références