COMMON LAW
Avenir du droit anglais
L'évolution du droit anglais au cours du xxe siècle a suivi un parcours commun aux systèmes juridiques de l'ensemble des pays industrialisés. D'un côté, cette évolution est liée à l'essor, puis au déclin de l'État-providence. Après l'introduction en 1949 d'un programme d'aide judiciaire, les professions juridiques ont connu une très forte expansion, avec comme conséquence le développement parallèle d'un corpus de droit social. D'un autre côté, le droit anglais s'est développé en s'adaptant à la complexité croissante des techniques d'administration, de gestion et d'économie. Pour beaucoup de sociologues du droit, ce processus d'adaptation déboucherait sur la « déjuridicisation » du droit, le phénomène se manifestant surtout dans la tentation de soumettre la logique du droit à des critères d'efficiency, c'est-à-dire des critères de calculabilité et de prévisibilité qui sont aussi étrangers à la common law qu'aux systèmes juridiques codifiés. En effet, le législateur, la jurisprudence contemporaine et l'université, confrontés aux problèmes posés par le fonctionnement des marchés financiers et la privatisation des services publics, ont tendance à faire du droit un simple mode de régulation (réglementation). Cela implique le développement au sein des institutions juridiques d'une logique de normalisation qui ne chercherait plus à imposer des prescriptions. Afin d'avoir prise sur les nouveaux environnements sociaux, les juristes sont amenés à réfléchir sur les modes de fonctionnement des organisations socio-économiques, et à adapter les normes en fonction de celles-ci. Selon les termes de cette nouvelle logique, les règles juridiques deviendraient des techniques « ouvertes » et « dynamiques », ajustées aux critères liés à l'efficacité des marchés, et ne reposeraient plus sur une logique de faute ou de responsabilité.
La multiplication, à l'avenir, des échanges entre le droit anglais et les droits voisins ne peut que s'intensifier. Dans la période récente, le droit anglais a été modifié par deux traditions juridiques : le droit communautaire et les droits des anciennes colonies britanniques. L'influence de la Cour de justice des Communautés européennes est d'une grande importance, non seulement en ce qui concerne l'évolution du droit social et du droit de l'environnement anglais, mais surtout en ce qui touche les modifications introduites dans la rationalité même de la common law. Traditionnellement, l'interprétation des lois (statutory interpretation) par les juges anglais ne pouvait porter atteinte à la souveraineté du Parlement. Les juges ne pouvaient examiner les raisons ou les motifs du législateur ; ils étaient censés opter pour une interprétation littérale de la loi. Or, confrontés à des lois difficilement conciliables avec le droit européen, les juges anglais contemporains ont modifié cette approche classique, ceci dans le but d'éviter une censure éventuelle par le juge communautaire ; ils se reconnaissent maintenant le droit d'extrapoler sur le raisonnement du législateur dans le but de concilier la loi anglaise avec le droit communautaire. Cette approche a été étendue à l'ensemble des problèmes d'interprétation des lois par une décision importante de la Chambre des lords de 1992 ; cette décision autorise les juges à faire référence au recueil des débats parlementaires (Hansard), pour examiner les motifs du législateur.
Par ailleurs, le droit anglais reste intimement lié aux droits et jurisprudences des anciennes colonies britanniques, surtout celles du Canada, de l'Australie, et de la Nouvelle-Zélande. Les décisions rendues par les cours suprêmes de ces pays sont régulièrement citées dans les arrêts des cours anglaises,[...]
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Écrit par
- Alain POTTAGE : professeur de droit au London School of Economics and Political Sciences
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