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RURALES COMMUNAUTÉS, histoire

La communauté villageoise a dû prendre naissance aux premiers temps du Moyen Âge comme communauté d'exploitants : elle est d'abord liée à un certain finage, avec ses obligations et ses contraintes agricoles communes (assolement, clôtures), mais surtout avec son exploitation rigoureusement collective des communaux et avec de nombreux droits d'usage (vaine pâture, glandée, gruerie, etc.). Mais, communauté d'exploitants, elle est aussi communauté d'habitants (en sont exclus les bordiers, grangiers, établis aux limites du finage). Au double titre d'exploitant et d'habitant, le seigneur s'affirme comme le « premier communier » et en profite, au cours des siècles, pour revendiquer l'entière propriété du tiers des communaux. Cependant, si elle admet en principe le seigneur, la communauté villageoise s'est le plus souvent affirmée et définie contre lui : c'est aussi, surtout au Moyen Âge, une communauté d'exploités qui entament aux xiie et xiiie siècles, des actions en justice pour obtenir l'abonnement de la taille ou l'octroi de libertés. Toutefois, les procès en question relevant de la justice du seigneur attaqué, ils se terminaient rarement à l'avantage des communautés, qui parfois recouraient alors à la violence ; sauf à faire appel, là où c'était matériellement possible, à la justice royale, voire pontificale, pour obtenir gain de cause. La communauté villageoise a une existence légale et une personnalité juridique reconnue. Lorsque s'affirme, à l'époque moderne la centralisation administrative, elle devient aussi une communauté fiscale ; elle se voit réclamer en bloc le paiement de la taille royale, et ce sont des collecteurs élus par la communauté qui en font la répartition de détail entre tous les membres. À la somme réclamée par les agents royaux, ils ajoutent éventuellement une « crue », car c'est la seule source de revenus de la communauté. Certes, elle paie la plupart du temps en nature ses quelques employés : berger du troupeau commun, « garde-messier » (moissons) ou maître d'école, mais elle a parfois besoin de numéraire pour ses dépenses d'entretien : chemins ou église. La communauté villageoise tend, en effet, à se confondre avec la communauté paroissiale ; c'est d'ailleurs dans l'église, ou sous son porche, que se font les « assemblées d'habitants » annoncées en chaire par le curé et appelées au son de la cloche ; le compte rendu, s'il y a lieu, est rédigé par le greffier ou notaire seigneurial, espion du seigneur dans ces réunions dont la tenue n'est pas toujours compatible avec la dignité du lieu. Les séances sont présidées par un ou plusieurs syndics (ou procureurs), représentants légaux de la communauté, qui tiennent souvent aussi les charges de marguilliers ou fabriciens (c'est-à-dire gérants de la communauté proprement paroissiale). Ces hommes sont généralement parmi les plus aisés du village et conservent leurs fonctions au sein de leur famille. D'ailleurs, pour avoir valeur, il suffit que l'assemblée réunisse « la partie la plus saine de la population », c'est-à-dire les chefs de famille les plus riches et les plus socialement stables. Cette restriction dans la composition des assemblées se sent à la lecture des cahiers de doléances de 1789, rédigés dans le cadre des communautés villageoises, et qui ne reflètent que rarement les plaintes des plus défavorisés. Lorsque ces villages devinrent communes, ce furent tout naturellement les mêmes familles de syndics qui exercèrent les nouvelles fonctions municipales.

— Françoise MOYEN

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