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COMMUNICATION Communication de masse

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Mass media et société

Dans les sociétés industrielles

Le système social des mass media, le type de culture dont il est porteur, forment manifestement une partie intégrante de la société industrielle et sont profondément liés à son devenir. De ce fait, le rôle des mass media dans la société industrielle a fait l'objet de nombreuses analyses. On a souvent noté que les moyens de communication de masse fournissent une culture commune aux hommes vivant dans une même société, et même, dans une certaine mesure, à la société industrielle occidentale dans son ensemble. Ils contribueraient ainsi à contrebalancer les forces centrifuges qui se dégagent au fur et à mesure que le développement industriel fait apparaître de nouvelles différenciations culturelles et sociales.

On a souvent lié à la nature « commerciale » des mass media dans la société occidentale leur caractère socialement conservateur. Obligés de viser un public aussi large que possible, ils seraient tenus de ne mécontenter personne, d'éliminer tout ce qui peut être objet de contestation, et donc de verser dans le conformisme le plus absolu. Il semble bien en fait qu'en période de changement social ou culturel les mass media puissent agir non comme un frein, mais, au contraire, comme une sorte de résonateur ou d'amplificateur de mouvements culturels ou sociaux nés en dehors d'eux. La notion de « conservatisme » ne peut donc être appliquée aux mass media qu'avec beaucoup de prudence.

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Plus généralement, les mass media et la culture de masse ont été traités non seulement comme une expression caractéristique, mais même comme un symbole de la société occidentale dans son ensemble, et ont fait l'objet de jugements qui s'adressent en fait à elle. Autrement dit, la critique de la société prend souvent aujourd'hui l'aspect d'une critique des mass media, qu'on a pu rendre responsables de la rupture des liens traditionnels, de la création d'un pseudo-environnement, voire d'une pseudo-culture, et surtout de diverses formes de « manipulation », d'« aliénation » ou de « répression » (par exemple, C. W. Mills, 1956 ; H. Marcuse, 1964). Ces critiques ne peuvent être pleinement appréciées que dans le cadre des théories qui les soutiennent. On peut toutefois remarquer que, s'il est hors de doute que les mass media sont aujourd'hui un des instruments du contrôle social (comme l'indique clairement l'existence de rubriques telles que le courrier du cœur des magazines féminins, par exemple), il est difficile d'établir que ce contrôle social est en lui-même plus aliénant ou plus répressif du fait qu'il s'exerce par le canal des mass media plutôt que par les canaux traditionnels.

Parmi de nombreuses analyses du rôle des mass media dans la société industrielle, relevons enfin celle de « l'élite sans pouvoir » (F. Alberoni, 1963). Avec les vedettes, stars ou idoles, les mass media fourniraient à la consommation de masse des objets d'identification qui partageraient tous les privilèges d'une éclatante réussite sociale, sans fournir, à la différence des véritables titulaires de la richesse et du pouvoir, un objet symbolique à l'hostilité des classes ou des groupes sociaux les uns à l'égard des autres.

Dans les sociétés en voie de développement

Divers facteurs rendent difficile la pénétration des moyens de communication de masse dans les pays en voie de développement : au niveau de l'émission, le défaut d'équipement technique et de personnel qualifié ; au niveau de la réception, la faiblesse du pouvoir d'achat, l'analphabétisme, la diversité des types de culture et des niveaux culturels, le caractère essentiellement rural de l'habitat. En tout état de cause, les mass media ne touchent que superficiellement la masse rurale de la plupart des régions en voie de développement. Leur impact est beaucoup plus fort sur les aires en voie d'industrialisation, et davantage encore sur le prolétariat des très grandes villes, dont ils précipitent l' acculturation.

Les régions en voie de développement sont en général caractérisées par une extrême dissociation entre les réseaux de communication de masse et les réseaux traditionnels de la communication. Les mass media diffusent des messages élaborés, au moins en grande partie, dans les sociétés industrielles avancées (Schramm, 1964) ; ils traitent donc de types de problèmes complètement étrangers aux sociétés traditionnelles. De ce fait, ils apparaissent comme un ferment d'acculturation très actif, d'autant que les formes culturelles traditionnelles résistent relativement mal aux formes nouvelles véhiculées par les moyens de communication de masse. D'autre part, les mass media provoquent un intérêt pour des aspects de la vie sociale jusqu'alors totalement ignorés de leur public. De ce fait, ils agissent souvent dans un sens socialement ou même politiquement révolutionnaire ; ce rôle étant activé ou au contraire freiné, selon les cas, par le contrôle politique en général très strict qui s'exerce sur eux.

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On retrouve néanmoins dans les sociétés traditionnelles certains traits caractéristiques de l'impact des mass media tels que l'étude des sociétés industrielles les a mis au jour. Ainsi on retrouve des phénomènes analogues à ceux du two-step flow (D. Lerner, 1958). D'autre part, les campagnes de type éducatif, fréquemment entreprises dans les régions en voie de développement par l'intermédiaire des mass media, ne paraissent pouvoir être efficaces que si elles reposent sur une bonne connaissance des réseaux traditionnels de communication, ainsi que des valeurs et des normes traditionnelles (L. W. Pye, 1963).

— Olivier BURGELIN

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Écrit par

  • : maître assistant à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Média

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