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COMMUNISME Histoire

La victoire du bolchevisme

La guerre et la faillite de la IIe Internationale

C'est alors que le débat se concentre sur l'angoissante question de la paix, dans le contexte explosif des guerres balkaniques (1912). La IIe Internationale semble tétanisée. La menace d'un recours à une action concordante du prolétariat en cas de conflit n'empêche pas la guerre mondiale d'éclater, en août 1914, en lieu et place de la révolution mondiale attendue. Apparaît alors en pleine lumière la déchirante contradiction entre une conception du monde qui repose sur la négation des frontières et une histoire où les frontières engagent toujours plus dramatiquement le destin des peuples et des individus. La IIe Internationale, « faite pour les temps de paix », s'efface sans avoir empêché le ralliement en bloc des socialistes de chaque camp aux gouvernements d'union nationale.

Après quelques mois d'un absolu désarroi, les partis ouvriers, bouleversés par le départ des leurs aux armées, commencent à s'interroger sur ce qui est leur vocation en temps de guerre : d'où l'institution de rencontres socialistes interalliées auxquelles répondent des rencontres de même nature du côté des empires centraux. En marge de ces efforts de reprise des relations internationales se retrouve le camp des opposants de naguère au réformisme. Comptant sur l'élargissement de son audience et profitant de la proposition que lui font les socialistes suisses, il se réunit en terre neutre, à Zimmerwald (1915). Il y a là quelques ressortissants français et allemands, mêlés à des militants neutres ou à des réfugiés politiques (parmi lesquels les Russes Martov, Trotski et Lénine). Tout aussi divisée sur les grandes options, une seconde rencontre n'en prend pas moins une signification renouvelée à Kienthal (1916) : celle du refus d'une stratégie ouvrière qui suspend la révolution sociale à la victoire d'un bloc de nations sur l'autre.

La révolution d'Octobre

Combats en octobre 1917 - crédits : Hulton Archives/ Getty Images

Combats en octobre 1917

La victoire inattendue des bolcheviks en Russie à l'issue de la seconde révolution, dite « d'Octobre » (nov. 1917), apparaît comme l'événement décisif d'une toute nouvelle conjoncture qui se développe entre deux pôles : la signature d'une paix séparée sur le front oriental et l'espoir d'une révolution prolétarienne à court terme en Occident. Pour marquer la rupture avec le passé et la IIe Internationale, les dirigeants bolcheviques adoptent le nom de communistes. La lutte entre l'homme et l'histoire est remise alors sur le métier. Tout ce qui la concerne soulève d'extraordinaires passions collectives. Les grands mots de justice, de liberté, de fraternité secouent leur poussière et se trouvent à nouveau au cœur du sujet. Les plans, les réformes, les révolutions fournissent la petite monnaie quotidienne du capital de changements sociaux amoncelé dans les têtes, dans les groupes, dans les classes, pour tous les aspects de la vie sociale : l'économie, la géographie politique ou les mœurs.

Le mouvement socialiste part à la recherche des responsables des horreurs de la guerre et met en accusation ses dirigeants. Les peuples, dans leur masse profonde, sont tentés par l'idée que la fin de la guerre ne doit pas être seulement le retour de la paix, mais l'aube de la révolution. Or, de son côté, le bolchevisme ne propose pas seulement de partager une expérience victorieuse dans un pays finalement très particulier. Il souhaite procurer à l'internationalisme les normes qui lui permettront d'éviter le recommencement de l'expérience passée et sa dissolution dans des processus nationaux d'intégration ouvrière. Par bien des aspects, l'exemple bolchevique offre une possibilité globale de briser la tendance, jusque-là invaincue et apparemment invincible, à l'intégration de la classe ouvrière et de ses[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Médias

Députés des soviets - crédits :  Central Press/ Getty Images

Députés des soviets

Rosa Luxemburg - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Rosa Luxemburg

Lénine à Moscou, 1919 - crédits : Keystone/ Getty Images

Lénine à Moscou, 1919

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