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COMMUNISME Histoire

La mise en place du système communiste mondial

La situation ouverte par la victoire de l'U.R.S.S. sur l'Allemagne nazie en 1945 offre au projet communiste la possibilité de poursuivre et consolider dans sa terre d'élection initiale la construction d'un type nouveau de société et d'État, d'étendre son emprise bien au-delà des frontières du premier pays socialiste et de différencier ses moyens d'intervention dans le monde grâce à sa transformation en un système dont l'amplitude va devenir intercontinentale. Déjà passé de l'ordre de l'appel et de l'espoir à celui des essais malheureux, le système communiste mondial entre dans l'ordre du réel et de l'histoire.

Un camp socialiste multiétatique

La victoire de l'Armée rouge se traduit en effet par une augmentation fantastique du prestige dont bénéficie le communisme soviétique. Dans son sillage, les communismes autochtones se trouvent eux aussi portés à un degré inédit de puissance. Mais la guerre pour la libération des pays et des peuples soumis à l'occupation hitlérienne a nourri une vision nationaliste. Tous les partis communistes, y compris soviétique (c'est alors que le qualificatif de soviétique retrouve une dimension spatiale définie), sortent de la Grande Guerre patriotique avec un infléchissement de la sensibilité et de l'idéologie. De là, partout, dans les deux ou trois ans de l'immédiat après-guerre, l'apparition d'une sorte de national-communisme. Le retour à la priorité des composantes communes, qui prend la forme d'un réalignement idéologique dont le modèle soviétique constitue le cœur, a pour instrument un nouvel organisme, le Kominform, fondé le 27 septembre 1947, moins lourd que l'I.C. mais voué à la même tâche : assurer le contrôle de l'orthodoxie, ce qui ne se confond pas avec l'exigence d'une totale uniformité. Il s'en acquitte au prix d'une nouvelle expérience paroxystique, prenant la forme d'une campagne forcenée contre Tito et visant à inculquer définitivement l'idée de la séparation du monde en deux camps. Une nouvelle conception globale et différenciée prend en effet sa forme théorique en 1947 : elle s'incarne dans un concept, celui de camp socialiste.

La formation d'un camp socialiste multiétatique apporte une lumière nouvelle sur l'identification absolue de l'U.R.S.S. et de la révolution prolétarienne mondiale, pierre angulaire de l'expérience léniniste. Le dispositif communiste englobe désormais, en les distinguant, un réseau de partis, au pouvoir ou pas, et un bloc territorial de partis-États.

Il n'y a donc pas, comme on l'affirme en comparant indûment terme à terme l'I.C. des années 1920 et 1930 et le Kominform des années 1950, d'affaiblissement de l'institution dans laquelle s'incarne le principe internationaliste du projet communiste, il y a mutation. L' internationalisme devient l'armature d'un camp socialiste dont la double composante exige une double institution : au Kominform s'ajoute le Comecon, ou Conseil d'assistance économique mutuelle, fondé le 25 janvier 1949.

Le Kominform

Le Kominform rassemble les partis communistes des États socialistes auxquels on a joint les puissants P.C. de deux pays de l'Europe occidentale non socialiste, ceux de la France et de l'Italie. Il y a là un curieux désintérêt pour les autres partis européens, qui n'ont pas beaucoup d'étoffe et ne pèsent guère dans le cadre du système politique national où ils opèrent individuellement, mais qui, s'ils additionnent leurs forces et du fait qu'ils sont présents dans tous les secteurs nationaux, offrent ensemble des possibilités d'intervention bien supérieures à la simple agrégation de leur capacité respective. C'est un choix qui relève de Staline, lequel préfère d'expéditives relations[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-X-Nanterre

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Médias

Députés des soviets - crédits :  Central Press/ Getty Images

Députés des soviets

Rosa Luxemburg - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Rosa Luxemburg

Lénine à Moscou, 1919 - crédits : Keystone/ Getty Images

Lénine à Moscou, 1919

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