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COMPOSITION MUSICALE

Composition et invention des formes

Richard Wagner et Cosima Wagner - crédits : De Agostini

Richard Wagner et Cosima Wagner

Les schèmes formels, dont certains viennent d'être commentés, s'appliquent surtout à la construction de la musique pure. Il faut alors remarquer que les compositeurs ont toujours pris, à leur égard, une liberté proportionnelle à leur imagination, tout en les conservant comme une sorte de référence permanente ; ils sont, en réalité, mal adaptés à une expression qui n'est pas exclusivement musicale (ballets, opéras, oratorios, cantates, musiques religieuses, etc.) ; dans les opéras, ballets ou oratorios classiques, une référence aux schèmes était cependant toujours perceptible. Ces diverses formes musicales exerçant les unes envers les autres une attraction, une influence, chacune devait fatalement évoluer, jusqu'à ce que semble disparaître (ce qui est le cas dans certaines œuvres contemporaines) la notion même de schème formel. L'évolution devait se faire dans deux directions, qui ne sont qu'apparemment divergentes. La première est celle dans laquelle est recherchée une concentration de la forme. L'une des premières tentatives de ce genre qui soit célèbre est celle de Franz Liszt essayant, dans sa Sonate pour piano, de faire, en un seul mouvement, la synthèse des trois mouvements traditionnels ; une autre est celle dite de la composition cyclique, où les mêmes thèmes sont utilisés dans plusieurs mouvements ( César Franck). La seconde direction, au contraire, serait présentée par une extension de la forme sous l'influence, notamment, d'une musique dramatique ou à programme, qui renonce au découpage en airs ou en scènes, c'est-à-dire qui cesse d'être une juxtaposition de courtes formes closes ( Richard Wagner). Il est remarquable que, dans les deux cas, qu'il s'agisse du resserrement des thèmes ou de leur dilution, une importance accrue est accordée aux motifs, dont la répétition ou la variation assure l'unité de l'ouvrage. À la limite, on arrive, dans les deux cas, à un véritable hyperthématisme (l'unité résultant de la permanence de motifs très courts, voire de la répétition des mêmes intervalles), qui se confond avec ce que l'on a parfois appelé athématisme. Une réussite célèbre en ce domaine est le monodrame d' Arnold Schönberg intitulé Erwartung.

Ainsi que le dit Arnold Schönberg, on en arrive à une méthode de composition dans laquelle « tout est thème et tout est développement ». On pourrait dire aussi que l'on est ici en présence d'une forme perpétuellement ouverte, qui ne finit par être close que parce que le compositeur veut lui imposer une conclusion. On conçoit alors que, au terme de cette évolution, l'imagination du compositeur se sente comme délivrée du carcan que faisait peser sur elle la tendance dictatoriale des schèmes formels. Mais cette même imagination se trouve alors fortement entravée par la nécessité d'inventer des formes qui, en tant que telles, soient à la fois cohérentes et perceptibles par l'auditeur. Si, jusque vers 1955 environ, la majorité des compositeurs, qu'ils pratiquent une écriture dodécaphonique sérielle ou une autre dérivant de la tonalité, se réfèrent encore à des schèmes formels traditionnels (on écrit toujours des sonates), on peut dire aujourd'hui que les solutions ou pseudo-solutions pour résoudre les problèmes de composition sont devenues tellement variées qu'il est presque impossible de donner une description de chacune. Une tendance qui eut une vie relativement éphémère (de 1955 à 1975 environ) fut celle de la musique dite (à tort) aléatoire ; elle consistait à laisser l'interprète choisir son propre chemin parmi une suite de courtes séquences ou de notes, toutes les combinaisons étant a priori possibles. Le résultat pouvait donc paraître comme imprévisible à l'auditeur, d'où le terme « aléatoire » ; l'exemple[...]

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Écrit par

  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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