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COMPOSITION MUSICALE

Les musiques dites électroacoustiques et les musiques d'ordinateur

L. Russolo et la machine à sons - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

L. Russolo et la machine à sons

L'apparition de nouveaux moyens techniques de production des sons a provoqué, parfois, une remise en cause des principes mêmes de la composition musicale. On peut résumer ainsi la chronologie d'une tendance qui consiste à accorder une très grande attention au phénomène acoustique, c'est-à-dire à la nouveauté des timbres et des phénomènes sonores, plus qu'aux principes de leur organisation. Dans les innovations acoustiques, les bases mêmes d'un possible renouveau musical apparaissent, ainsi les premières tentatives de musique «  électronique » par Jorg Mager en 1913, les premiers concerts des « bruitistes » Filippo Tomaso Marinetti et Luigi Russolo à Paris en 1921, le premier concert de musique « concrète » par Pierre Schaeffer et Pierre Henry en 1948, et, à partir de 1945, la création dans le monde entier de nombreux studios et centres d'enseignement consacrés aux musiques électroacoustiques.

Le principe même de composition, tel que nous l'avons décrit précédemment, s'en est trouvé profondément modifié. En effet, de nombreux musiciens électroacousticiens considèrent que l'acte compositionnel se situe, maintenant, davantage dans la nature des phénomènes sonores qu'ils découvrent que dans leur organisation. Par conséquent, pour ce type de composition, la nature du signe, ou signal sonore, aurait une importance supérieure à celle de ladite organisation, ce qui supposerait une totale remise en question de l'art musical occidental. Cette remise en question est de nature à ouvrir de très larges débats auxquels un arbitrage définitif ne sera donné que par le temps.

Les progrès des sciences ouvrent, cependant, la voie à des études qui serviront peut-être un jour à mieux comprendre les phénomènes de la composition musicale dans ses divers aspects : la dialectique ordre-désordre, les relations compositeur-auditeur. Pour pouvoir comprendre, ou seulement imaginer, ces études, il faut admettre que l'usage de l'ordinateur modifie complètement les moyens d'action du théoricien et du compositeur. En effet, les divers procédés électroacoustiques – depuis les sons ou bruits préenregistrés et transformés ou non, jusqu'aux multiples possibilités des synthétiseurs – peuvent être considérés, du point de vue de la composition – mais ce point de vue est parfois contesté – de deux manières différentes : soit seulement comme les générateurs de phénomènes sonores nouveaux auxquels il appartiendrait au compositeur de donner forme (Gestalt) ; soit, pour résumer, comme un prodigieux enrichissement de la lutherie. L'ordinateur, en revanche, ouvre des perspectives beaucoup plus vastes. Il permet, en effet : une analyse et une synthèse des sons très raffinées, donc un progrès de la lutherie électronique ; une étude des procédés de l'écriture musicale, harmonie, contrepoint, et, en général, grammaires musicales ; une libération du compositeur, qui devient capable d'imaginer des méthodes de composition dont le temps de réalisation aurait dépassé les forces humaines, de choisir les meilleures solutions parmi les innombrables possibilités offertes ; d'entreprendre enfin des recherches sur le mécanisme propre de la composition musicale.

Il fallait signaler ce dernier secteur de recherche bien que, jusqu'à présent, il semble avoir été fort peu abordé. Le recours à l'ordinateur implique la reconnaissance de la musique comme un langage dont au moins certains éléments et assemblages sont codifiés ou peuvent l'être. La pratique de tous ces procédés nouveaux peut permettre aux musicologues de nouvelles explications et aux compositeurs de nouvelles musiques, comme le montrent les travaux de Pierre Barbaud en France, de Wilhelm Fucks en Allemagne, de Lejaren Hiller[...]

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Écrit par

  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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L. Russolo et la machine à sons - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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