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CONCEPT

Les théories de la connaissance s'accordent généralement à reconnaître qu'il y a essentiellement, dans l'être humain, deux modes de connaissances de la réalité, l'un qui porte directement sur le concret, saisi dans sa singularité, l'autre qui n'atteint le réel qu'à travers des déterminations de caractère abstrait (séparées des individus concrets en lesquels elles peuvent éventuellement se trouver réalisées). Le premier mode caractérise l'intuition, le second la connaissance par concepts. Kant définit l'intuition comme le mode par lequel la connaissance « se rapporte immédiatement aux objets et auquel tend toute pensée comme au but en vue duquel elle est le moyen ». On pourrait, en utilisant le terme général de représentation pour caractériser la connaissance, dire que l'intuition est une représentation singulière (c'est-à-dire portant sur le singulier) et que le concept est une représentation générale. Mais le recours à ce terme de représentation risque d'engager l'épistémologie dans la voie d'un réalisme indirect, qui n'est pas sans poser bien des problèmes (nous ne connaissons à proprement parler que nos représentations, et nous ne connaissons le réel qu'indirectement, par l'intermédiaire de celles-ci). Il serait plus conforme aux données que fournit l'analyse de l'activité cognitive de caractériser la connaissance par l'expression d' intentionnalité assimilatrice. Il faudrait alors distinguer deux modalités de cette intentionnalité : l'une qui vise le concret tel qu'il se donne, de façon immédiate, l'autre qui vise le concret de façon médiate, à travers des déterminations que l'esprit peut considérer en elles-mêmes, à l'état isolé, et en tant précisément que séparées de leurs supports concrets. Le concept peut être défini, dans cette perspective, comme la médiation par laquelle opère l'intentionnalité cognitive lorsqu'elle vise ainsi le réel à travers l'élément de la généralité.

Les propriétés du concept

La tradition rationaliste établit une différence tranchée entre la connaissance intuitive et la connaissance conceptuelle, en lesquelles elle voit deux niveaux irréductibles de savoir. La tradition empiriste, en revanche, conçoit plutôt ces deux modes de connaissance comme des réalisations, selon des degrés différents, d'une seule et même modalité fondamentale.

Que les concepts soient compris comme des représentations ou comme des formes de médiation, ils se distinguent de l'intuition sensible, concrète et singulière, par leur caractère abstrait et universel. Le concept met en évidence un aspect de la réalité, qui est considéré à part, comme s'il constituait un objet de connaissance pour son propre compte, alors qu'il n'est pas donné à l'état isolé dans l'expérience perceptive. L'esprit humain a cette propriété remarquable de pouvoir ainsi détacher – de ce qui, dans l'intuition sensible, est donné sous forme de totalités individuelles singulières – des déterminations qui appartiennent bien à ces totalités, mais qui ne les caractérisent que selon une perspective particulière. Le concept est précisément la saisie d'une telle détermination. Il est caractérisé par ce que Hegel appelle la « déterminité » (Bestimmtheit). En tant que tel, il se pose comme un moment séparé, ou abstrait. Il s'oppose par là à la donnée intuitive, comme un point de vue limité à une totalité ; mais il s'oppose aussi aux autres concepts, comme une détermination à d'autres déterminations. Selon la formule célèbre de Spinoza, « toute détermination est négation » ce qui se pose comme talité délimitée exclut de soi tout ce qui n'en relève pas. Mais, par le fait même qu'il se dégage de ce qu'il y[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)

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