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CONCEPT

Le problème des universaux : platonisme, nominalisme et conceptualisme

Le statut et le rôle du concept ont suscité de nombreux et importants débats philosophiques. On se bornera ici à quelques indications, en évoquant d'abord la querelle des universaux. Cette querelle qui joua un grand rôle au Moyen Âge, et qui concerne la relation entre le concept et le réel, s'est ranimée à l'époque contemporaine, surtout dans le contexte des discussions sur le nominalisme. Les différentes positions adoptées se ramènent à trois grands types.

Selon le platonisme, la contrepartie du concept dans le réel est un « universel », conçu comme une réalité existant à l'état séparé, dans un monde idéal (tel que celui des idées de Platon), et auquel « participent » les individus concrets auxquels le concept s'applique. Les formes modernes de platonisme se rencontrent surtout dans le domaine de la philosophie des mathématiques, où il s'agit non pas du statut des concepts mais du mode d'existence des entités mathématiques (on reviendra ci-après sur la question des mathématiques). La théorie des universaux qui a été proposée par Carnap (dans Meaning and Necessity) pourrait être considérée comme une forme affaiblie de platonisme conceptuel. Une propriété peut être interprétée comme une classe : c'est la collection des individus pour lesquels elle se vérifie. Il s'agit là d'une interprétation extensionnelle. Les classes obéissent au « principe d'extensionnalité » elles sont entièrement déterminées par les individus qui en font partie (de façon précise : deux classes sont identiques si et seulement si tout individu qui appartient à l'une appartient à l'autre). Mais une propriété peut aussi être interprétée comme une entité abstraite, abstraction faite des individus dont elle se vérifie. Carnap a proposé de caractériser les concepts par un principe d'intensionnalité : deux concepts sont identiques si et seulement si tout individu qui exemplifie l'un exemplifie aussi nécessairement l'autre. On a ainsi un critère d'identité pour les concepts et cela autorise à les considérer comme des entités existantes extralinguistiques.

Le nominalisme adopte une position diamétralement opposée : il ne reconnaît d'existence à aucune entité abstraite. Sous sa forme la plus extrême, il réduit les « universaux » au statut de simples noms et en fait donc des entités purement linguistiques. De façon positive, le nominalisme est un type de doctrine qui entend reconstruire entièrement l'ontologie en termes d'individus. Mais la notion d'individu peut évidemment être entendue de façon plus ou moins extensive. Goodman, qui a donné au nominalisme moderne l'une de ses formes les plus caractéristiques, présente le nominalisme comme une doctrine qui demande de traiter comme des individus toutes les entités dont l'existence est admise. La restriction ne porte donc pas sur le critère d'existence mais sur le mode de reconstruction de la réalité. Elle conduit Goodman à rejeter les classes, et à n'admettre que les « agrégats » d'individus. La raison qu'il avance est que deux entités distinctes ne peuvent être faites des mêmes entités. Deux agrégats ne peuvent différer que par l'un au moins des individus qui les composent, alors que les procédures de formation des classes permettent de former une infinité de classes distinctes à partir des mêmes individus. Quine, qui est souvent considéré comme nominaliste, a une position plus libérale, en ce sens qu'il admet l'existence des classes. Et cela pour la raison que l'on dispose d'un critère d'identité pour les classes : c'est le principe d'extensionnalité. Mais ce n'est pas le cas, selon lui, pour les concepts, ce qui l'amène à rejeter l'interprétation intensionnelle des propriétés.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)

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