CONCEPT
Le concept dans les mathématiques, la physique et le langage scientifique
Les mathématiques posent un problème spécial. Les entités dont elles traitent ont un caractère idéal et, à ce titre, paraissent appartenir au même domaine que les concepts. Il faut cependant distinguer complètement les objets mathématiques (tels que les nombres, les fonctions, les espaces, etc.) des concepts au moyen desquels nous les caractérisons et en décrivons les propriétés. Du point de vue logique ; les entités mathématiques doivent être considérées comme des individus de nature particulière, non empirique. Leur statut ontologique fait l'objet d'un débat fondamental en philosophie des mathématiques.
Le statut des entités théoriques (introduites dans le cadre des théories scientifiques, surtout des théories physiques) pose un problème qui a des analogies avec le précédent. Ces entités sont construites par la pensée, au moyen de concepts, mais ne sont pas elles-mêmes des concepts (par exemple, le champ gravitationnel). Elles sont posées non comme des objets idéaux mais comme existant réellement dans le monde physique. Leur existence n'est cependant affirmée que sur un mode hypothétique et la valeur épistémique que l'on peut accorder aux propositions qui affirment (ou impliquent) leur existence est exactement celle que l'on peut accorder aux théories dans le cadre desquelles interviennent ces propositions.
Le langage scientifique a très largement recours à des concepts qui ne sont pas directement interprétables en termes empiriques. Ce sont les concepts dits « théoriques », qui sont introduits dans le contexte des propositions théoriques. L'épistémologie néopositiviste avait cru pouvoir dissocier le langage scientifique en une partie purement empirique et une partie théorique. Il est assez couramment admis que tous les concepts du langage scientifique sont, à des degrés divers, « chargés de théorie ». Il faudra néanmoins distinguer les concepts proprement théoriques, qui concernent des propriétés non observables, et les concepts observationnels, qui concernent des aspects observables de la réalité physique. Les concepts théoriques jouent un rôle indispensable, en ce qu'ils permettent à la pensée scientifique d'aller au-delà de l'information contenue dans les données empiriques disponibles. Mais leur statut sémantique pose des questions difficiles. On peut analyser le « sens » d'un concept en deux composantes : la dénotation ou extension (ensemble des individus qui vérifient le concept), et l'intension ou compréhension (contenu du concept). Le problème de la dénotation renvoie à celui des entités théoriques : les objets pour lesquels se vérifie un concept théorique sont des entités théoriques. Quant à l'intension, elle comporte elle-même deux composantes : d'une part, une composante interne, constituée par l'ensemble des relations logiques que le concept considéré entretient avec tous les autres concepts de la théorie, par l'intermédiaire des propositions que cette théorie contient ; d'autre part, une composante externe, donnée par l'interprétation de la théorie. Pour être utilisable, une théorie à portée empirique doit pouvoir être mise en relation avec des données observables. À cet effet, elle doit être munie de règles d'interprétation qui jettent un pont entre les concepts théoriques et les concepts observationnels. La relation ainsi établie entre un concept théorique et la réalité empirique contribue à déterminer l'intension du concept. La manière précise dont doivent être conçues l'interprétation d'une théorie et la sémantique des concepts théoriques reste un objet de discussion.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean LADRIÈRE : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)
Classification
Autres références
-
ABSTRACTION
- Écrit par Alain DELAUNAY
- 906 mots
Terme qui renvoie à tout au moins quatre significations, à la fois indépendantes les unes des autres et pourtant reliées par un jeu de correspondances profondes.
Un sens premier du mot abstraction est le suivant : négliger toutes les circonstances environnant un acte, ne pas tenir compte...
-
ANTHROPOLOGIE COGNITIVE
- Écrit par Arnaud HALLOY
- 5 810 mots
...dans une situation déterminée et celles inférées grâce à nos dispositions ou « attentes intuitives », les cognitivistes proposent de distinguer entre « concept » et « schéma conceptuel » (ou « catégorie ontologique »). Alors que l’acquisition de nouveaux concepts dépend de l’expérience, variant par conséquent... -
BACHELARD GASTON (1884-1962)
- Écrit par Jean-Jacques WUNENBURGER
- 3 478 mots
- 1 média
...de l'infiniment petit (le monde atomique et subatomique). Comme son maître Léon Brunschvicg, il va privilégier, le mouvement de la raison par lequel concept et réel se rapprochent progressivement l'un de l'autre, tout en restant limités à une connaissance phénoménale et non élargie au monde en soi,... -
BURIDAN JEAN (1300 env.-apr. 1358)
- Écrit par Francis RUELLO
- 454 mots
Recteur de l'université de Paris en 1328 et en 1340, commentateur d'Aristote et logicien. L'enseignement en logique de Jean Buridan (Summulae logicae) dépend de celui de Pierre d'Espagne et de celui d'Ockham. S'il reçoit du premier la distinction entre la « signification » d'un nom...
- Afficher les 44 références