CONCORDAT DE 1801
Il faut se replacer dans l'atmosphère du temps pour mesurer ce que comportait de nouveau le concordat conclu par Pie VII avec Bonaparte. Par la reconnaissance du gouvernement consulaire, ce traité rompait l'alliance séculaire de l'Église et de la monarchie légitime : Bonaparte, élu par le peuple, se trouvait légitimé, et, par là, étaient consacrés les principes de 1789 sur l'origine de l'autorité, la nation. D'autre part, anticipant sur la distinction entre thèse et hypothèse devenue classique après le Syllabus, ce concordat était le premier concordat libéral, puisque le pape s'était résigné à ce que le catholicisme ne fût plus religion d'État : adaptation à une situation de fait qui n'impliquait pas adhésion à cet autre principe de 1789, l'égalité des cultes.
Pareil renversement de l'orientation prise par le Saint-Siège depuis l'écroulement de l'Ancien régime n'exigeait pas moins que l'ouverture d'esprit du pape romagnol, qu'on a pu, à juste titre, appeler le pape des temps nouveaux, et sa volonté de sacrifier aux intérêts de la religion les intérêts temporels, les positions acquises, les hommes et les biens. Mais, en contrepartie de ces sacrifices, que d'avantages ! Avant tout, en échange de la reconnaissance du gouvernement consulaire, la reconnaissance par celui-ci de l'autorité spirituelle du pontife romain et de son droit à instituer les évêques, voire à les déposer tous, désavouait les erreurs gallicanes et la Constitution civile du clergé. Cet acte marquait la fin du schisme dû à cette dernière, la réconciliation de la France révolutionnaire et de l'Église, la restauration religieuse dans un vieux pays de chrétienté, et accroissait le prestige du successeur de Pierre.
La pacification religieuse
« Lorsque je saisis le timon des affaires, affirme Napoléon dans ses Mémoires de Sainte-Hélène, j'avais déjà des idées arrêtées sur les éléments qui cohésionnent la société. J'avais pesé toute l'importance de la religion. J'étais persuadé et j'avais résolu de la rétablir. » Mais force lui fut de surseoir, car son pouvoir mal affermi devait ménager l'anticléricalisme persistant des milieux politiques et, pour traiter avec le Saint-Siège, il fallait d'autre part attendre que le conclave de Venise élût un successeur au défunt pape Pie VI. Les mesures prises d'abord en matière religieuse se conforment donc pour la plupart à celles qu'adoptèrent les Thermidoriens et le Directoire. Les lois de déportation qui frappent les prêtres restent théoriquement en vigueur, sauf, par décret du 21 novembre 1789, pour ceux qui prêtèrent tous les serments, abdiquèrent le sacerdoce ou contractèrent mariage. Les deuxième et troisième décrets promulgués le 28 décembre de la même année se modèlent sur les dispositions arrêtées en prairial an III : ils autorisent le culte à l'intérieur des églises, moyennant un serment du ministre, adapté à la nouvelle forme du régime républicain. Seul innove à cette date le premier décret qui interdit aux municipalités de fermer les églises les autres jours que le décadi, car le discrédit qui frappe le culte décadaire permettait au Premier consul cette relative audace. Enfin, quand il s'agit de pacifier la Vendée, le traité de Montfaucon, conclu par Bernier le 18 janvier 1800, reproduit celui de la Jaunaye, conclu en février 1795 par les Thermidoriens ; clause essentielle, la liberté du culte est assortie toutefois d'une concession complémentaire : aucun serment ne sera exigé du clergé romain.
Autrement spectaculaire et hardi fut le décret du 30 décembre 1800 qui prescrivait de rendre des honneurs solennels à la dépouille mortelle de Pie VI, prisonnier du Directoire à Valence : Bonaparte escomptait en effet se concilier par là le[...]
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Écrit par
- Jean LEFLON : membre de l'Institut
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