CONCORDAT DE 1801
Les négociations avec Rome
Durant cette longue expectative, avec le concours du pacificateur de la Vendée, l'industrieux Bernier, en grand secret, le futur concordat prend forme dans l'esprit du Premier consul. Quand celui-ci quitte Paris et prend le commandement de l'armée des Alpes, tout est si bien arrêté que, d'accord avec Talleyrand, les dispositions sont prises pour que l'ambassadeur d'Espagne auprès du Saint-Siège, Labrador, rejoigne le nouveau pape, Pie VII, après l'écrasement de l'Autriche et lui fasse les premières ouvertures.
Mais, après Marengo, afin de mieux aboutir, Bonaparte préfère s'en charger lui-même, en misant sur la surprise. Avant de regagner la France, il s'arrête donc le 26 juin à Verceil, où il a choisi un partenaire, précédemment rencontré et jugé, le cardinal Martiniani. Soudain, après dîner, il dévoile au bon évêque, qui n'en croit pas ses oreilles, les grandes lignes de son projet. Ce projet, Martiniani devait d'urgence le transmettre au Saint-Père. Si, pour restaurer le catholicisme en France, celui-ci l'acceptait, le Premier consul emploierait tout son pouvoir à rétablir la souveraineté du pape dans ses États.
Quelque peu ahuri, plus encore séduit et flatté de cette mission, le cardinal expédia son neveu, Alciati, à Rome où Pie VII venait d'arriver. Quelle fut la réaction immédiate du nouveau chef de l'Église ? Nous le savons par le journal du cardinal espagnol Despuig. Il se montra défavorablement impressionné de ce que, pour l'incliner à des concessions de caractère spirituel, Bonaparte lui fit miroiter la garantie de son pouvoir temporel. Il n'en décida pas moins d'accueillir favorablement les propositions du Premier consul, mais à condition que fût maintenue la distinction entre les deux ordres de valeur. Pie VII d'autre part, et à juste titre, n'avait qu'une confiance restreinte dans la perspicacité de Martiniani, auquel il fit observer avec une finesse quelque peu ironique : « Il ne pourra échapper à votre pénétration quelle difficulté présente la chose par elle-même, ni quelles difficultés pourra présenter par suite l'idée de son application. » Le pape, certes, reçoit, « avec la plus grande consolation » les ouvertures du général et se prêtera de tout cœur « à un traité qui a pour fin un objet si en rapport avec notre ministère ». Il accepte donc d'entamer la négociation. Martiniani communiquera à Paris sa réponse positive, mais en demandant les précisions nécessaires, et sera chargé de poursuivre les pourparlers. Vu la délicatesse de ceux-ci, on lui adjoindra toutefois un diplomate romain, Mgr Spina. Sur la restitution des États du Saint-Siège, intentionnellement, pas un mot n'est dit. Ce silence, qui correspond à la réaction initiale de Pie VII, trahit dès le principe l'opposition de fond qui rendra malaisées les négociations puis l'application du Concordat et, plus tard, déterminera entre le souverain pontife et Napoléon la lutte du sacerdoce et de l'Empire. Pape essentiellement spirituel, Pie VII fait de l'Église une fin. Bonaparte n'en fait qu'un moyen et, en l'avantageant au minimum, entend l'utiliser pour sa politique. Personnellement, sur le plan religieux, il s'en tient au déisme des philosophes du xviiie siècle, avec un certain sentimentalisme dû à des souvenirs de jeunesse et à J.-J. Rousseau. Il ne croit pas aux religions positives. Toutes se valent, parce qu'elles ne valent rien. Mais un réalisme bien entendu l'oblige à convenir que le peuple français, malgré la campagne de déchristianisation révolutionnaire, reste attaché au catholicisme, et, pour satisfaire l'opinion, il faut lui rendre son culte. « Ma politique, déclare-t-il le 1er août 1800 au Conseil d'État, est de gouverner les hommes comme[...]
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Écrit par
- Jean LEFLON : membre de l'Institut
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