CONCORDAT DE 1801
Les obstacles
Les difficultés que rencontra cette négociation interminable et laborieuse expliquent les retouches successives que subit le traité. Certains points ne prêtèrent pas à contestation : nouvelle circonscription des diocèses, nomination des évêques par le Premier consul, institution canonique de ceux-ci par le pape, serment de fidélité au gouvernement et non à la Constitution prescrit aux évêques et aux curés, autorisation de recevoir des fondations, prières officielles pour les consuls. Pour d'autres articles, le problème consista à trouver les formules qui sauveraient les droits en sacrifiant les personnes en place et les possessions temporelles. Par exemple, pour éliminer l'épiscopat en charge, deux cas différents se présentèrent. Celui des évêques d'Ancien Régime pour lesquels il n'était pas question de parler de « déposition », car, selon les mots de Consalvi, « le massacre de tout un épiscopat serait sans exemple dans l'histoire » ; on se borna alors à demander la démission des titulaires. Quant aux évêques constitutionnels, tous dépossédés, Rome s'arrangea pour les exclure, sans les mettre pour autant sur le même pied que les évêques légitimes, comme l'eût voulu Bonaparte, et plus encore Talleyrand ; on supprima donc à cet effet, pour rester dans l'indétermination, les termes « quelconques, actuels, tous », qui, successivement introduits par le gouvernement, sembleraient assimiler les premiers aux seconds. Des remaniements analogues intervinrent au sujet des biens d'Église vendus comme biens nationaux. Si Pie VII renonça en fait à leur restitution, il n'entendit pas reconnaître de jure au pouvoir civil le droit d'en disposer. Il s'engagea donc simplement à ne pas inquiéter ni troubler les acquéreurs. La seule difficulté consista à insérer dans le texte le qualificatif « incommutable », auquel tenait Bonaparte, pour mieux garantir à ceux-ci ou à « leurs ayants cause les droits et revenus de ces biens ». Un artifice de rédaction permit à Consalvi d'introduire cet adjectif, aussi expressif que peu élégant, par un « en conséquence », qui faisait uniquement découler cette incommutabilité de l'engagement pris par Rome de ne pas molester les possesseurs, et ainsi éludait une reconnaissance juridique.
Mais il ne s'agissait là que d'engagements de détail. Sur deux articles qui concernent la condition de la religion catholique en France et la liberté du culte extérieur se concentre au contraire la bataille diplomatique, car, à leur sujet, entrent en jeu des questions de principes, qui opposent deux conceptions, la conception romaine des droits de l'Église, et la conception napoléonienne, qui hérite tout à la fois du gallicanisme de l'Ancien Régime et de l'idéologie révolutionnaire.
La Massima des théologiens exigeait que la religion catholique, seule vraie à leurs yeux, fût reconnue religion d'État. Bernier, docteur en théologie, avait glissé cette reconnaissance, mais très discrètement, dans un membre de phrase du premier projet, pour ne pas trop effaroucher les idéologues. Mais Spina, au nom de la doctrine, exigea que cette reconnaissance figurât en tête de l'accord. D'où l'intervention d'« Autun », théologien averti lui aussi, qui, dans le second projet, substitua à cette reconnaissance de jure une simple reconnaissance de facto, par les termes de « religion de la majorité des Français ». Spina essaya d'obtenir que l'on emploie l'expression de « religion dominante », puis, faute d'y réussir, de « religion du gouvernement », clause d'autant plus essentielle que la nomination des évêques relevait du Premier Consul. L'adroit Bernier, « sous forme de louange », réussit enfin à introduire l'expression litigieuse dans le préambule du Concordat. Supprimée dans le quatrième projet, elle sera finalement[...]
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Écrit par
- Jean LEFLON : membre de l'Institut
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