Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

WITTENBERG CONCORDE DE (1536)

Série d'entretiens qui se déroulèrent, du 22 au 29 mai 1536, entre les théologiens protestants à Wittenberg. Y sont présents, d'une part, des délégués d'Églises d'Allemagne du Sud — Ulm (M. Frecht), Augsbourg (W. Musculus, B. Lycosthenes), Esslingen, Memmingen, Fürfeld, Francfort — conduits par les Strasbourgeois W. Capiton et Bucer ; d'autre part, Luther, entouré notamment de Melanchthon, de J. Jonas, de C. Cruciger et de J. Bugenhagen. Constance et les villes suisses ne sont pas représentées. La rencontre doit permettre de trouver une formule d'accord sur l'eucharistie, afin de favoriser de nouvelles adhésions à la ligue (protestante) de Smalkalde. Préfigurée par le colloque de Marbourg (qui s'est tenu le 30 septembre 1529 avec Luther, Zwingli et d'autres Suisses, ainsi qu'avec les Strasbourgeois), la réunion de Wittenberg était activement préparée depuis 1530 (à la suite de la rédaction de la Confession d'Augsbourg, luthérienne, et de la Confession des quatre villes, Strasbourg, Constance, Lindau, Memmingen) par Bucer, qui multiplie voyages, correspondances, réunions : rencontre de Schweinfurt, le 1er avril 1532, où les quatre villes signent la Confession d'Augsbourg ; concorde de Stuttgart, le 2 août 1534 ; rencontre de Cassel, entre Melanchthon et Bucer, les 27 et 29 décembre 1534 ; accord entre Luther et l'Église d'Augsbourg, le 22 juillet 1535.

Le bilan théologique de la « concorde de Wittenberg » tient à une déclaration de Bucer et de ses amis sur leur interprétation du sacrement, acceptée par les luthériens. Le texte en est connu grâce à Melanchthon (cf. Corpus Reformatorum III, no 1429). Selon cette déclaration, transsubstantiation et inclusion permanente du corps et du sang de Christ dans les espèces sont exclues ; elle affirme notamment « que le sacrement se compose d'un élément céleste et d'un élément terrestre ». Les signataires « croient et enseignent que le corps et le sang de Christ sont réellement et substantiellement présentés, offerts et reçus avec le pain et le vin », en vertu même de l'« union sacramentelle », lorsque les paroles d'institution sont prononcées par un ministre régulièrement ordonné et indépendamment de la valeur morale de ce ministre ou de celui qui reçoit le sacrement. Les indignes reçoivent, dans ces conditions, le corps et le sang de Christ, mais pour leur condamnation.

D'une part, cette formule fait droit aux grandes lignes de la théologie luthérienne : effet des paroles d'institution, affirmation d'un mode de présence réelle ; d'autre part, elle intègre des éléments bucériens : parallélisme de l'action sacramentelle et de la réalisation spirituelle de la promesse, présence réelle avec (et non dans ou sous) le pain et le vin, communion des indignes (plutôt que des impies).

En fait, les formules de la « concorde » restent très ambiguës ; les réticences, puis le refus des villes suisses se trouvent ainsi fondés (de janvier 1534 date la « première confession bâloise » ; du 26 mars 1536 date la « deuxième confession bâloise » ou « première confession helvétique », qui esquissait un rapprochement avec Luther — après Wittenberg, les Suisses marqueront leur méfiance vis-à-vis de Bucer et leur désaccord avec le texte de la « concorde »). Après une longue période de controverses entre luthériens, une complexe Formule de concorde sera élaborée en 1580, dans laquelle la « concorde de Wittenberg » sera citée.

— Bernard ROUSSEL

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté protestante de théologie de Strasbourg

Classification

Autres références

  • BUCER ou BUTZER MARTIN KUHHORN dit (1491-1551)

    • Écrit par
    • 760 mots

    Le principal réformateur et chef de l'Église strasbourgeoise a eu des débuts modestes. Né à Sélestat, Bucer y fait ses humanités avant d'entrer dans l'ordre des Dominicains, où il poursuit pendant dix ans des études de théologie scolastique. À l'université de Heidelberg, il apprend à connaître...

  • CONFESSION HELVÉTIQUE

    • Écrit par
    • 832 mots

    On connaît deux « confessions helvétiques », la Confessio helvitica de 1536 et la Confession helvétique postérieure de 1566. La première Confession helvétique, ou deuxième Confession bâloise, est rédigée en janvier 1536, en particulier par H. Bullinger, Myconius et Grynæus, théologiens...

  • SMALKALDE LIGUE DE

    • Écrit par
    • 470 mots

    Alliance défensive conclue en 1531 par les princes allemands luthériens contre l'empereur Charles Quint. Après la diète d'Augsbourg (juin 1530), dont le recez menace les protestants d'une campagne militaire, les signataires de la Confession d'Augsbourg se réunissent à Smalkalde...