CONCOURS INTERNATIONAUX D'INTERPRÉTATION MUSICALE
L'impossible objectivité
Il serait injuste de faire des jurys les responsables de cette apparente incohérence. Composés de solistes reconnus, de professeurs de haute volée, de lauréats dont la carrière a confirmé le talent, les jurys jugent en professionnels sur des critères qui restent, par définition, obscurs aux simples amateurs. Il y a des années riches et d'autres qui le sont moins. Il est certainement plus malaisé d'être en concurrence, pour le piano, avec Cécile Ousset, Lazar Berman, Tamás Vásáry, John Browning, Vladimir Ashkenazy et Peter Frankl (concours Reine Élisabeth 1956) ou, pour le hautbois, avec Heinz Holliger et Maurice Bourgue (concours de Munich 1961) que de se présenter dans une année plus creuse. La difficulté n'est pas moindre pour les juges qui ne peuvent se satisfaire d'établir une hiérarchie relative entre les candidats présents mais doivent en outre les situer dans la tradition propre au concours et dans l'histoire de l'interprétation. Synthèse de plusieurs opinions divergentes, le palmarès est un compromis qui n'accueille qu'avec peine les tempéraments originaux et les conceptions audacieuses. Sombrent parfois dès les premiers tours de remarquables musiciens dont la technique est encore mal assurée, alors que certains autres, manifestement moins doués, poursuivent leur chemin. Le concours peut-il avoir l'ambition de toujours déceler, sous le stress ou la méforme de l'instant, les qualités fondamentales du musicien ainsi que son potentiel d'évolution ? « De ma vie je n'ai aussi mal dirigé que ce jour-là. Le jugement qui m'attribuait le premier prix était complètement erroné. Il est impossible et arbitraire de prétendre distinguer le meilleur au bout de quelques jours seulement » (Claudio Abbado à propos du concours Dimitri Mitropoulos 1963).
Et puis, participer à un jury n'immunise pas contre l'humaine faiblesse. La fatigue – un concours est un marathon pour tous – émousse l'attention. Le choix des œuvres libres peut se révéler très efficace ou totalement désastreux sans que le talent du candidat soit en cause. Jouer Reger devant un jury latin ou interpréter Fauré face à des juges japonais n'est certainement pas choisir la voie la plus sûre pour atteindre la récompense suprême. Dans le grand répertoire, les conceptions peuvent s'opposer et les modes se succéder. Il peut arriver que les jurés subissent de discrètes et amicales pressions... Il est parfois difficile de ne pas donner la préférence, si la qualité des prestations est proche, à un national du pays organisateur. Mais imagine-t-on que ces professionnels acceptent de mettre durablement en jeu leur réputation pour des décisions qui apparaîtront comme un défi au bon sens et un véritable déni de justice ? Même pour un concours comme celui de Chartres, qui fait strictement respecter l'anonymat des postulants, régnera toujours la fluctuation du jugement humain qui n'échappe ni aux humeurs ni aux passions.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Médias
Autres références
-
CLIBURN VAN (1934-2013)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Karen SPARKS
- 619 mots
Le pianiste américain Van Cliburn devint célèbre dans le monde entier après avoir remporté le premier prix du concours international Tchaïkovski à Moscou lors de sa première édition, en 1958.
Harvey Lavan Cliburn Junior naît le 12 juillet 1934 à Shreveport (Louisiane). Il prend ses premières...
-
ORCHESTRE DIRECTION D'
- Écrit par Alain PÂRIS
- 6 664 mots
- 9 médias
L'heure est donc venue d'entrer dans la vie professionnelle et, après les diplômes nationaux, les concours internationaux ouvrent un certain nombre de portes. Le premier d'entre eux – le Concours international de jeunes chefs d'orchestre de Besançon – a vu le jour en 1951, à l'initiative d'Émile Vuillermoz....