CONCOURS INTERNATIONAUX D'INTERPRÉTATION MUSICALE
Indispensables, mais parfois myopes
« On peut toujours prendre part à un concours ; ce n'est pas plus bête en somme que d'acheter un billet à une loterie quelconque. Qui sait ? Le jury peut se tromper et alors vous avez une chance – elle est infime évidemment. Mais combien en avez-vous de gagner le gros lot ? » (Piero Coppola). N'en déplaise au grand chef d'orchestre italien, nous devons beaucoup aux concours internationaux. D'abord, le développement de la technique instrumentale, sans laquelle l'interprétation ne saurait s'épanouir. On joue aujourd'hui, dès la sortie des conservatoires nationaux, des pièces réputées inaccessibles qui semblaient réservées aux seuls phénomènes du clavier. Les accrocs d'un Alfred Cortot ou d'un Edwin Fischer sont absolument inconcevables de nos jours. Auraient-ils passé les éliminatoires de Leeds ? Si l'on peut à juste titre reprocher aux concours d'ignorer les esthétiques baroques et contemporaines, il faut néanmoins leur reconnaître le mérite d'avoir remis à l'honneur des partitions bien peu visitées avant guerre – sonates ultimes ou variations de Beethoven, et de nombreuses pages de Liszt, Schumann et Brahms – qui sont les impitoyables révélateurs des capacités digitales et de la maîtrise du discours. Les concours sont un indispensable lieu de rencontre. Confrontation des écoles et des styles qui permet aux enfants de Marguerite Long de découvrir les descendants d'Heinrich Neuhaus. L'expérience personnelle qu'ils offrent aux musiciens est d'une exceptionnelle richesse. Dans la joie ou l'amertume, les participants n'oublieront jamais l'ardeur de la lutte, le dépassement de soi et l'exploration de visions musicales nouvelles.
Si quelques rares artistes – comme le jeune pianiste allemand Joseph Moog – parviennent sans leur intermédiaire à éveiller l'attention de la critique, les concours restent pour le plus grand nombre un point de passage obligé. C'est au concours de Besançon que nous devons la découverte de chefs comme Seiji Ozawa (1959), Michel Plasson (1962), Marc Soustrot (1975) ou Sylvain Cambreling (1981). Le concours Reine Élisabeth nous a révélé Leonid Kogan (violon, 1951) et Leon Fleischer (piano, 1952) ; celui de Budapest Youri Bashmet (alto, 1975) ; celui d'Évian les quatuors Prazak (1978) et Hagen (1983). Le concours Frédéric Chopin a distingué Krystian Zimerman (1975) et celui de Genève Arturo Benedetti Michelangeli (piano, 1939), Friedrich Gulda (piano, 1946) et Maurice André (trompette, 1955). Il paraît bien difficile de contester aujourd'hui leur utilité.
Les effets pervers des concours restent néanmoins nombreux. La recherche des talents pourrait-elle se limiter à l'étude des noms figurant en tête des palmarès des trois ou quatre concours les plus célèbres ? Les aléas de la compétition ont tôt fait de valoriser la médiocrité de la pensée et d'étouffer le génie. La préparation d'un concours devient une manière de bagne où le mûrissement du caractère et de la sensibilité est trop souvent sacrifié au parachèvement de la technique pure. En exigeant sans délai toujours plus de perfectionnement, les concours ne laissent-ils à l'expression que la portion congrue ? D'où la crainte de voir s'opérer un laminage des personnalités, les concours imposant un standard fait d'imperturbable virtuosité et d'esthétique convenue.
De nombreux premiers prix, épuisés par la violence de l'effort, ont le plus grand mal à retrouver un épanouissement personnel et artistique. Après avoir, à dix-huit ans, remporté le concours Frédéric Chopin (1960) que présidait Arthur Rubinstein, Maurizio Pollini refusa tous les engagements et ne fit plus parler de lui pendant cinq ans. Il avait besoin d'oublier la tension et les exigences[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Médias
Autres références
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CLIBURN VAN (1934-2013)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Karen SPARKS
- 619 mots
Le pianiste américain Van Cliburn devint célèbre dans le monde entier après avoir remporté le premier prix du concours international Tchaïkovski à Moscou lors de sa première édition, en 1958.
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ORCHESTRE DIRECTION D'
- Écrit par Alain PÂRIS
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L'heure est donc venue d'entrer dans la vie professionnelle et, après les diplômes nationaux, les concours internationaux ouvrent un certain nombre de portes. Le premier d'entre eux – le Concours international de jeunes chefs d'orchestre de Besançon – a vu le jour en 1951, à l'initiative d'Émile Vuillermoz....