CONCURRENCE, économie
Les imperfections de la concurrence
Elles ont toutes, quelle qu'en soit l'origine, un trait commun : le ou les offreurs de biens comparables jouissent d'un pouvoir de monopole, d'une faculté de fixer le prix qui leur permet d'extraire du marché un profit durable, une rente de monopole. D'où provient ce pouvoir de marché ?
Pouvoir de marché et rente de monopole
Le monopole pur de la théorie conserve toutes les propriétés des marchés parfaits, sauf une : un seul vendeur fait face à un grand nombre de clients potentiels. Dans ce cas, l'offreur satisfait toute la demande solvable et il subit directement la loi de saturation de la demande qui le contraint à baisser son prix sur la totalité des ventes, si ce prix est unique et s'il souhaite augmenter les quantités vendues. Sa connaissance parfaite des réactions de la demande à chaque niveau de prix possible lui permet de régler la quantité offerte au mieux de son intérêt. Et son intérêt, qui est de maximiser son profit, est de fixer la quantité offerte au niveau précis où la recette marginale procurée par la dernière unité vendue égale le coût marginal de sa production. En effet, s'il désire vendre une plus grande quantité en baissant son prix, cela lui coûte plus cher que cela lui rapporte ; inversement, s'il augmente son prix, il subit un manque à gagner en vendant une moindre quantité. Au prix d'équilibre, unique pour tous les acheteurs, le monopole perçoit une recette moyenne supérieure au coût marginal et au coût moyen. Le profit, ou rente de monopole, est égal à la différence entre la recette moyenne par unité vendue multipliée par la quantité vendue. Ce profit se maintient tant que l'offreur conserve son monopole et le pouvoir de marché qui lui est associé. Alors que, dans un contexte de concurrence pure et parfaite, l'offreur s'adapte au prix du marché (price taker), le monopole est « faiseur de prix » (price maker).
Quand, en infraction avec la loi du prix unique prévalant en concurrence pure et parfaite, le monopole s'avise de segmenter sa clientèle en sous-marchés isolés, il peut faire payer plus cher les clients les plus désireux d'acheter le produit. Le même bien est vendu à des prix différents, par exemple dans des quartiers éloignés, s'il n'existe aucune possibilité d'arbitrage par achats et reventes. La discrimination tarifaire permet au vendeur de confisquer à son profit une partie de la rente de l'acheteur. Plus généralement, les monopoles sont soupçonnés de malthusianisme, en raréfiant artificiellement leur offre, et d'abuser de leur pouvoir de marché aux dépens d'une clientèle captive et inorganisée.
Toutefois, les monopoles sont défendables, tant qu'ils ne barrent pas l'entrée de nouveaux concurrents par des manœuvres visant à augmenter artificiellement leurs coûts d'installation. Ils sont défendables s'ils réinvestissent tout ou partie des bénéfices dans l'amélioration des procédés de production et de la qualité des produits. Enfin, certains monopoles sont qualifiés de naturels dans les cas où il serait inefficient, en termes de coûts de production, de multiplier le nombre de concurrents ou de démanteler le monopole existant. Une telle situation s'observe quand la production se fait à rendements croissants (ou coûts décroissants), c'est-à-dire lorsque le profit réalisé sur une unité supplémentaire vendue croît au fur et à mesure que le nombre d'unités vendues augmente.
Les rendements croissants
Les monopoles historiques tirent souvent leur origine des avantages de la grande taille acquise par rapport à leur marché en profitant des rendements d'échelle croissants. Les techniques de production en série et d'automatisation des procédés de fabrication permettent à la production d'augmenter plus que proportionnellement[...]
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Écrit par
- Alain BIENAYMÉ : professeur émérite d'économie à l'université de Paris-IX-Dauphine
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