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CONCURRENCE, économie

La concurrence en deçà et au-delà des imperfections de marché

Le comportement purement rationnel attribué aux acteurs du marché pour traiter des imperfections de la concurrence occulte tout ce que la concurrence doit aux « passions acquisitives » de l'être humain (David Hume) et à l'activisme des entreprises.

L'incidence des passions acquisitives

Le calcul économique rationnel recommandé pour que l'individu utilise sans gaspillage ses ressources limitées est un outil de décision dont les agents réels ne font pas continuellement ni exclusivement usage. D'autres traits psychologiques entrent en jeu. Le sentiment d'envie qui procède de la comparaison que chacun fait de sa situation avec celle d'autrui peut revêtir une tournure positive lorsque l'individu entreprend d'améliorer sa situation en tirant parti de ses atouts et en observant les pratiques des autres, soit pour les imiter, soit pour s'en écarter. Dans un monde naturellement incertain, deux puissants moteurs animent les concurrents : l'esprit de conquête et l'instinct de conservation. L'ambition, parfois présomptueuse, de faire mieux que les autres, incite de nouveaux producteurs à pénétrer le marché et préside à la naissance de vastes empires industriels ou de services qui détrônent les vieilles gloires au classement par le chiffre d'affaires, la capitalisation boursière et éventuellement les bénéfices. Et le destin de ces grands empires, qui emploient plusieurs centaines de milliers de salariés, est souvent marqué par l'ego de leurs dirigeants.

La concurrence comme processus de découverte

Nombreux sont les auteurs de l'école autrichienne qui, à la suite de Karl Menger (1871), et avec John Maynard Keynes (1936) ont défendu une conception subjectiviste de la rationalité. En univers d'avenir incertain, les décideurs diffèrent les uns des autres, par leur appréciation du présent comme par leur aversion à l'égard du risque. La concurrence est animée par des entrepreneurs de chair et de sang, qui ne sont pas seulement des machines à calculer. L'entrepreneur, selon Ludwig von Mises (1949), agit en fonction des données changeantes du marché, du profit qu'il peut espérer en tirer. Son imagination et son audace lui permettent d'exploiter les erreurs des concurrents. Loin d'être une arène où l'information circulerait parfaitement, le marché est au contraire un lieu d'éclatement des savoirs que chacun s'efforce de recomposer ; un lieu où offreurs et demandeurs agissent en fonction de leurs informations privées et font leur apprentissage mutuel (Friedrich von Hayek, 1937). La concurrence mobilise les connaissances dispersées et dissémine les informations. Le marché est toujours en déséquilibre. Enfin, l'entrepreneur, acteur clé du marché, est un découvreur. Sa « vigilance » lui permet de détecter des opportunités passées inaperçues des rivaux installés sur le marché (Ian Kirzner, 1973). Il combine des informations éparses ; tel un prospecteur de pétrole, il met au jour un gisement ignoré des concurrents. Ainsi, au lieu d'aborder la concurrence seulement sous l'angle restrictif de l'aversion pour le risque, on la définit comme un processus de découverte sur des marchés qui évoluent continuellement, faute de parvenir à un véritable équilibre ou de pouvoir s'y maintenir.

L'entreprise comme collectivité organisée

La concurrence ne relève pas seulement de la sphère des initiatives individuelles. Ces entités humaines que sont les entreprises jouent un rôle majeur. On ne peut, en effet, comme dans l'approche traditionnelle, assimiler l'entreprise à un simple individu doué de raison. Une entreprise est une collectivité taillée pour produire des biens demandés par le marché. C'est une organisation au service d'un projet qui dépasse l'horizon de marché[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite d'économie à l'université de Paris-IX-Dauphine

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