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BOSE-EINSTEIN CONDENSATION DE

En 1924, Albert Einstein (1879-1955) reçoit un court article intitulé « La loi de Planck et l'hypothèse des quanta de lumière » qu'un jeune enseignant indien de l'université de Dacca (Bangladesh), Satyendranath Bose (1894-1974), lui envoie en lui demandant respectueusement ce qu'il en pense. Einstein jouit alors d'une grande réputation internationale : il a reçu le prix Nobel trois ans plus tôt pour son explication de l'effet photoélectrique, et sa nouvelle théorie de la gravitation, la relativité générale, a suffisamment de succès pour qu'un éditeur ait demandé à des physiciens de traduire en anglais ses articles les plus marquants. Bose avait participé à ce travail de traduction et propose cette fois – avec une audacieuse humilité – à Einstein d'avoir l'amabilité – s'il trouve cet article intéressant – de bien vouloir le traduire et le faire publier par la fameuse revue allemande ZeitschriftfürPhysik. Il passe sous silence le fait que celui-ci vient d'être refusé par la revue britannique Philosophical Magazine à laquelle il l'avait d'abord envoyé. Bose décrit le comportement statistique d'un ensemble de photons ; il a remarqué que l'application de la loi de Maxwell-Boltzmann de distribution des vitesses de particules de gaz au rayonnement d'un corps porté à une certaine température est incompatible avec la loi établie par Max Planck en 1900 pour décrire la distribution de luminance spectrale de ce corps. Faisant fi de la loi de Maxwell-Boltzmann, Bose obtient la valeur d'un facteur déterminant de la loi de Planck, celui qui dénombre les degrés de liberté du champ par unité de volume et de fréquence, en supposant simplement que les photons occupent tous, dans l'espace abstrait des configurations possibles (ce qu'on appelle l'espace de phase), une région élémentaire dont le volume égale le cube de la constante h de Planck.

Einstein apprécie la nouveauté des hypothèses qui sous-tendent le raisonnement de Bose. Il traduit lui-même l'article et l'envoie à la revue en soulignant qu'il « considère que la dérivation de la formule de Planck par Bose constitue une avancée importante ». Il ajoute que « la méthode utilisée ici conduit également à une théorie du gaz parfait quantique, que je discuterai en détail ailleurs ». Avant de s'opposer avec force à l'interprétation probabiliste de la nouvelle physique quantique, Einstein participe en effet activement à son développement. Cette même année 1924, il envoie au journal de l'Académie des sciences de Prusse un article en deux parties, titré « La théorie quantique du gaz parfait monoatomique », qui reprend le raisonnement de Bose et explicite le fait qu'il implique l'« indiscernabilité » de deux photons ayant la même énergie. En effet, Bose a emprunté à Planck une méthode de dénombrement initialement appliquée à des niveaux d'énergie, et non pas à des états de particule qu'une vision classique rend discernables. L'analyse statistique d'un ensemble à l'équilibre thermodynamique de particules possédant ce caractère d'indiscernabilité révèle l'existence d'une nouvelle loi de distribution de ces particules indiscernables sur les divers états d'énergie, qu'on appelle maintenant la loi de Bose-Einstein. Les particules obéissant à cette loi sont non seulement les photons, mais toutes les particules de spin nul ou multiple de h/2π, comme les gluons, les bosons vectoriels W et Z ou le boson de Higgs. Ce sont aussi des états composés comme des mésons ou même certains atomes, comme le montre Einstein dans son article de 1924.

Dans la première partie envoyée à l'éditeur le 20 septembre, Einstein étudie un gaz parfait (c'est-à-dire sans interactions) dont les entités élémentaires[...]

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  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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