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CONFESSIONNALISME

Une manière de paradoxe affecte la genèse de la notion de confessionnalisme, dans ses rapports avec la réalité juridique : cette notion, pour être concevable, suppose que la société se soit déjà engagée dans la voie de la déconfessionnalisation ; elle implique en effet une certaine différenciation entre l'adhésion à une communauté confessionnelle et l'appartenance à la collectivité politique. Aussi longtemps que sont confondues les deux sociétés et que l'appartenance à l'une entraîne ipso facto l'incorporation à l'autre, le concept de confessionnalisme, appliqué à l'État, n'a ni contenu ni signification intelligibles. Il s'imposera avec d'autant plus de force à l'esprit que s'estompe, dans la vie de la société, la réalité qu'il désigne. Aussi l'histoire de la notion est-elle assez brève, celle des sociétés politiques, sous ce rapport, ayant commencé par l'indivision.

Origines

Sans remonter aux sociétés primitives étudiées par les ethnologues, on se reportera à ce que les historiens nous apprennent de la cité antique. La religion s'y confond avec le patriotisme : les citoyens combattent indistinctement pour les dieux et les institutions de la cité, pour leurs foyers et leurs autels. Le civisme trouve son accomplissement suprême dans le culte rendu à la divinité. Parler de confusion à ce propos, ce serait projeter sur ce passé un jugement de valeur, résultant d'une mentalité qui a mis des siècles à s'élaborer. On parlera plus justement d'indivision : appartenance à la cité et pratique de sa religion, c'est tout un. Afficher quelque scepticisme à l'égard des croyances collectives, c'est se conduire comme un mauvais citoyen. C'est le crime imputé à Socrate ; c'est aussi le principal chef d'accusation retenu contre les premiers chrétiens : ne refusaient-ils pas de sacrifier au culte impérial ?

Avec l'expansion du christianisme dans l'Empire romain surgit précisément la première des données historiques qui remettront en question, en Occident d'abord, l'assimilation de la confession à l'appartenance nationale. La plupart des religions épousaient jusque-là les frontières politiques : à chaque cité ses dieux, à chaque empire ceux de ses maîtres. Le christianisme, religion universelle, annonce le dépassement des frontières. Mais si le germe de tous les conflits qui opposeront au long des siècles croyances religieuses et impératifs politiques est ainsi déposé, les effets ne s'en firent pas sentir aussitôt : le jour où Rome cesse de persécuter les chrétiens marque aussi le début de l'ère constantinienne qui se caractérise justement par la confusion entre Église et État. La religion se coule dans les cadres administratifs et l'empereur est, selon la formule du temps, l'« évêque du dehors ». Qui songe alors à dissocier les deux réalités ? Il n'en sera pas question avant des siècles. Même la Réforme, bien qu'elle s'inspire de l'esprit de libre examen, principe de rupture entre croyance individuelle et conformité sociale, n'abolit pas au xvie siècle l'État confessionnel. Tout au contraire : les cités et les nations protestantes instaurent un ordre politique et social rigoureusement réglé par la religion (la Genève de Calvin, l'Angleterre puritaine de Cromwell ou les établissements de l'Amérique du Nord). La vieille devise des légistes français : « Une foi, une loi, un roi », est, adaptée à la diversité des situations et des confessions, la règle universelle des rapports entre foi personnelle et société politique.

La notion de l'État confessionnel n'est même pas propre aux pays qui ont embrassé le christianisme. Très proche est la conception qui prévaut dans les pays d'Islam, avec cette différence cependant que[...]

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Écrit par

  • : président de la Fondation nationale des sciences politiques

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