CONFESSIONS D'UN MANGEUR D'OPIUM ANGLAIS, Thomas De Quincey Fiche de lecture
Les Confessions d'un mangeur d'opium anglais assurèrent à Thomas De Quincey (1785-1859) la célébrité de son vivant et un rang honorable dans l'histoire de la littérature anglaise de l'époque romantique. Non qu'il n'ait rien écrit d'autre. Au contraire : il publia quelque cent cinquante essais, dont plusieurs restent marquants ; en particulier De l'assassinat considéré comme l'un des beaux-arts (1827), La Malle-Poste anglaise (1849) et Suspiria de profundis (1845), qui vint s'ajouter aux Confessions.
Né en 1785 à Manchester, De Quincey voulut rompre avec sa famille en s'enfuyant en 1802 de l'école où il faisait ses études, dans l'idée de rencontrer ses poètes vénérés, Coleridge et Wordsworth. Il se rendit en fait à Londres, où il vécut misérablement et connut la jeune prostituée Ann, grande figure – à la fois angélique et initiatrice – des Confessions. Réconcilié avec sa famille, il devint en 1803 étudiant à Oxford, qu'il fréquenta par intermittence. Pour soulager des douleurs faciales intolérables, il se tourna vers l'opium en 1804 ; il devait continuer à en consommer sous forme de laudanum à peu près jusqu'à la fin de sa vie, parfois à très hautes doses. Il finit par faire la connaissance de Coleridge, puis de Wordsworth. Ayant reçu un petit héritage en 1806, il le gaspilla promptement. De Quincey épousa en 1817 Margaret Simpson, après la naissance de leur fils en 1816. Il lui fallut alors écrire pour vivre. Il produisit surtout des articles pour divers magazines. C'est ainsi que parurent en 1821 dans le London Magazine ses Confessions, avant de devenir un livre en 1822 et de faire l'objet d'une nouvelle édition augmentée en 1856. De Quincey resta cependant en butte aux difficultés financières. À la fin de sa vie il révisa ses écrits et rassembla ses œuvres complètes en quatorze volumes.
Un art de la digression
Son livre majeur, Confessions d'un mangeur d'opium anglais, commence par le récit de son enfance. Il s'y attarde longuement. Les Confessions présentent à peu près tous les défauts qui sont censés nuire aux œuvres littéraires : De Quincey manque de mesure et, à un degré plus grave, de méthode ; il multiplie les digressions ; sa sincérité paraît douteuse ou partielle. Il manifeste un égocentrisme forcené. Il n'est pas exempt de pédantisme, ni de lourdeur dans l'humour. Pour lire la description des visions induites par l'opium, il faut attendre les six dernières pages, sorte de conclusion presque bâclée. C'est dire qu'il a fallu à De Quincey des qualités littéraires éblouissantes pour gagner la place qui est sienne aujourd'hui. Le Tristram Shandy de Sterne a de longue date démontré les vertus et l'efficacité narrative de la digression. Pédant ? De Quincey l'est, sans doute. Mais la culture dont il fait étalage est d'une richesse et d'une authenticité rares. Enfin, et surtout, son art d'écrire se révèle irrésistible : le rythme, la sonorité, l'ampleur, la retentissante musique de ses phrases procurent un intense plaisir du texte. La véhémence est l'essence de son art.
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Écrit par
- Sylvère MONOD : professeur émérite de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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