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CONFLITS SOCIAUX

Conflit et agressivité

Les analyses précédentes conduisent à dissocier, voire à opposer, le conflit et l'agressivité. L'idée inverse, selon laquelle le conflit est l'expression visible de l'agressivité, le passage du sentiment à l'acte, suppose qu'on parte de l'existence d'un ordre social dans lequel se développent des tensions exprimées par l'agressivité et qui peuvent éclater en conflits. Si, au contraire, on considère que le conflit est premier et que l'ordre social n'est que l'institutionnalisation du conflit, on dira que l'agressivité manifeste un conflit impossible, qu'elle est la réponse à l'échec du conflit.

L'échec du conflit

Au niveau de la personnalité, l'agressivité peut répondre directement à un conflit interdit. L'enfant, dont le conflit avec l'adulte est censuré psychologiquement et socialement, dirige son agressivité contre un substitut, contre un bouc émissaire. De la même manière, une catégorie sociale atteinte par une crise économique ou par un abaissement de son niveau social manifeste une hostilité contre des forces obscures, définies de façon irrationnelle, les étrangers, les juifs, les ploutocrates, les intellectuels, selon les cas.

K. Lewin, comparant l'effet de divers types de leadership sur le niveau d'agressivité dans des groupes, a observé que le niveau maximal correspond au passage du laisser-faire à l'autoritarisme. D'autre part, il a constaté que l'agressivité est plus grande lorsqu'un groupe est enfermé dans un espace restreint, lorsque la différenciation des rôles y est faible, donc quand chacun des membres a, pour parler familièrement, tous ses œufs dans le même panier.

L'ensemble de ces observations montre que l'agressivité répond à l'impossibilité de définir des conflits à l'intérieur du groupe. L'ordre social n'est pas intériorisé, mais est un ensemble de contraintes, d'interdits, de limitations. Le meilleur exemple d'une telle situation est celui d'une prison ou, plus généralement, de ce que Goffmann a appelé les institutions totales. Espaces clos, sociétés non différenciées, où la règle remplace l'objectif, et où, par conséquent, l'agressivité, la déviance ou l'effort de fuite remplacent le conflit impossible.

Une frustration ne conduit pas nécessairement au conflit. Elle peut entraîner le retrait ou la fuite. Elle crée l'agressivité lorsque l'adversaire est reconnu et, même, lorsqu'il n'est pas possible d'agir sur lui, en particulier parce qu'il est fortement identifié à un ordre subi. À l'inverse, plus les adversaires sont face à face et moins l'agressivité intervient entre eux. On a souvent rappelé qu'au cours des guerres, l'agressivité contre l'ennemi est plus forte à l'arrière qu'au front. Les soldats engagés au combat sont davantage unis par la solidarité avec leurs camarades que par l'agressivité à l'égard de l'adversaire. Dans les négociations collectives, qui jouent un rôle central dans le syndicalisme de marché, orienté vers des revendications économiques, l'agressivité est aussi absente que dans toute transaction commerciale.

La charge affective

Le conflit social n'est pas aussi affectivement chargé qu'une situation de dépendance, mais il l'est plus qu'une situation de concurrence. C'est ce qui limite l'intérêt d'une distinction à laquelle Simmel et Coser attachent la plus grande importance, celle des conflits « réalistes » et des conflits « non réalistes ». Les premiers sont des conflits d'intérêts ; les seconds sont la décharge des tensions subies par un acteur. Par exemple, des prisonniers soumis collectivement à des tensions très fortes sont constamment portés à les manifester sous la forme de conflits entre prisonniers jouant[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (E.H.E.S.S.).

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Attraction-répulsion - crédits : Encyclopædia Universalis France

Attraction-répulsion

Zone de recouvrement - crédits : Encyclopædia Universalis France

Zone de recouvrement

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Zone de conflit, zone d'échange

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