CONFRÉRIES MUSULMANES
Rôle historique des confréries musulmanes
Bien qu'une minorité seulement de musulmans se soient affiliés aux confréries, celles-ci n'en ont pas moins joué un rôle historique de premier plan. Elles ont fourni des missionnaires pour la conversion des populations conquises et développé un mysticisme populaire qui a facilité l'adhésion des masses. Elles ont souvent animé la résistance aux envahisseurs chrétiens et dirigé quelques reconquêtes victorieuses, telle celle menée au Maghreb au xvie siècle. Dans certains empires musulmans, elles ont contribué à entretenir jusqu'à nos jours les particularismes tribaux ou nationaux : ainsi chez les Kurdes, les Albanais, les Berbères.
Par leur extension à l'ensemble du monde islamique et leur centralisation théorique, les confréries ont pu donner l'illusion d'une force politique redoutable. Toutefois la cohésion entre les diverses branches d'un même ordre fut toujours très faible, et la dénonciation d'un « péril confrérique » faite par les Européens du xixe siècle relève de l'aspect légendaire du panislamisme.
En revanche, dans les pays musulmans où le pouvoir étatique était faible ou nul, le rôle politique des confréries fut souvent essentiel : ainsi en Cyrénaïque et dans le Maghreb, en Afrique noire et en Indonésie. Aux époques d'anarchie, elles formaient le seul cadre social solide et en vinrent à assumer des pouvoirs politiques voire étatiques. Après la Seconde Guerre mondiale, le chef de la Sanūsīya est devenu le souverain constitutionnel de la Libye par simple reconnaissance d'un état de fait. En Algérie, les confréries ont, du xvie à la fin du xixe siècle, incarné le sentiment d'indépendance des populations, en combattant ou en composant avec les Turcs, puis avec les Français. Dans la Turquie ottomane, elles ont imposé leurs directives à certains sultans faibles ou mystiques, mais se sont vu rabaisser par les souverains énergiques. L'une d'elles, la Bekt'āchīya, a constamment animé et dominé le corps des janissaires.
Les activités sociales et charitables des confréries furent toujours importantes et demeurent fort utiles. Comme elles possèdent généralement des biens immobiliers importants, sous forme de biens de mainmorte, et collectent régulièrement des aumônes, elles peuvent entretenir des écoles de divers niveaux, aider les voyageurs, les malades et les pauvres.
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Écrit par
- Charles-Robert AGERON : professeur émérite à l'université de Paris-XII-Val-de-Marne
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