Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CONFUCIUS & CONFUCIANISME

Premières mues du confucianisme

Les écoles combattantes

Après la mort de Confucius, sa pensée fut violemment prise à partie, et de tous côtés. Le plus âpre et l'un des plus doués parmi ses adversaires, Mozi, condamnait en lui un ennemi du genre humain : rites funèbres, relations de clan, arts libéraux tenaient à son avis trop de place chez Kongzi, qui, d'autre part, « néglige de former le peuple ». Dans une période de guerres civiles et féodales, Mozi tenta d'opposer au confucianisme une confrérie de moines-soldats disciplinés, fanatisés : l'amour universel qu'il prônait exigeait une organisation tyrannique de la société !

Les taoïstes, eux, reprochaient aux mohistes et aux confucéens de « se planter sur leurs jambes, de retrousser leurs manches et de se cogner aussi dur que possible » au lieu de contribuer non pas tant à reconstruire la société qu'à restaurer l'ordre du monde, en se soumettant à la dialectique de la nature, ainsi qu'au « chacun pour soi » d'un égoïsme contemplatif et joyeusement ascétique.

Comme il arrive toujours en ces périodes où le pouvoir spirituel et temporel tombe en décrépitude, la pensée prospère : contre le confucianisme combattaient encore les sophistes chinois, à tant d'égards comparables à ceux de la Grèce ; cette fois, c'était au nom de l'épistémologie et de la philosophie du concept. Il est vrai que Kongzi n'avait guère traité d'épistémologie, sinon en définissant la théorie des dénominations correctes, celle du zheng ming. Mais Huizi et Gongsun Long tentèrent d'élaborer contre le confucianisme, ou du moins en marge de lui, une philosophie du concept (avec sa compréhension et son extension) ainsi qu'une philosophie de la contradiction. Sous les Royaumes combattants, les sophistes s'appelaient les philosophes du xing ming, c'est-à-dire ceux qui établissent des rapports entre les noms (ming) et les substances (xing) ; moins contestable est leur autre désignation : bianzhe, les disputeurs, les dialecticiens. Ces hommes florissaient entre 350 et 250 avant notre comput : Huizi « avait réponse à tout », déclare un ouvrage ancien, au point que Guo Moruo voit en lui un homme très proche de nos savants et logiciens. De fait, il s'intéressait à la géographie, à l'astronomie, à tous les savoirs de son temps (en cela, fort peu confucéen) ; mais c'est surtout sa philosophie du concept et de la contradiction qui l'oppose aux ru, aux lettrés confucéens.

Le confucianisme de Mencius

Au milieu de ces violentes polémiques, un philosophe doublé d'un écrivain, Mengzi, que les jésuites latinisèrent en Mencius (370-290), avait élaboré et sur plus d'un point renouvelé la doctrine. Comme son maître, il entendait préparer un gouvernement fondé sur la bienveillance : « Tous les grands officiers de la Chine tout entière accourront se mettre à vos ordres, tous les laboureurs voudront cultiver vos terres en friche ; les marchands fourniront vos marchés de leurs produits ; tous les voyageurs emprunteront vos routes ; tous ceux qui ont à se plaindre de leurs princes viendront vous soumettre leurs griefs », annonçait-il au prince qui accepterait d'être un vrai roi. Mais, contre son maître, il accordait à l'économie politique un rôle que Confucius avait trop négligé : pour Mencius, la morale ne commence qu'une fois rempli l'estomac : « À chaque famille donnez cinq arpents de mûriers et nul quinquagénaire ne manquera de vêtements de soie. Donnez-lui le moyen d'élever des poules, des chiens, des porcs, et nul septuagénaire ne manquera de viande. Avec cent arpents de terre, si vous lui laissez le loisir de les cultiver, une famille de huit personnes jamais ne connaîtra la faim [...]. Quand les gens d'âge sont vêtus de soie et mangent de la viande, quand les petits sires ne souffrent ni la faim ni le froid, ne seriez-vous[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-IV

Classification

Médias

Confucius - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Confucius

Shi Huangdi - crédits :  Bridgeman Images

Shi Huangdi

Autres références

  • BOUDDHISME (Les grandes traditions) - Bouddhisme japonais

    • Écrit par
    • 13 492 mots
    • 1 média
    ...Joyaux. Mais il ne faut pas exagérer le caractère bouddhiste de cette « constitution » ; l'harmonie (wa) qui y est prônée est une notion avant tout confucianiste et des travaux ont mis en lumière des influences taoïstes qui ont joué sur elle. La tradition attribue au prince Shōtoku la construction...
  • CAODAÏSME

    • Écrit par
    • 1 291 mots
    • 1 média

    La religion caodaïste fut fondée en 1919 par Ngô Van Chiêu, délégué administratif pour l'île de Phu Quôc, dans le golfe de Siam. Adepte du taoïsme, il évoquait les Esprits supérieurs par le truchement de jeunes médiums. Il fut ainsi mis en rapport avec Cao Daï (« Palais suprême »),...

  • CHINE - Histoire jusqu'en 1949

    • Écrit par et
    • 44 594 mots
    • 50 médias
    ...(768-824) et Liu Zongyuan (773-819), fondateurs du mouvement dit du « style antique » (guwen). Cette réaction, qui contribuera à la formation du « néo- confucianisme » des xie-xiie siècles, a pour effets plus immédiats une proscription de tous les cultes étrangers au cours des années 843-845. Malgré...
  • CHINE - Droit

    • Écrit par
    • 10 329 mots
    • 1 média
    Cette tradition a été façonnée par trois courants de pensée d'inégale importance : le confucianisme tout d'abord, le légisme et enfin le taoïsme. Les confucéens, dont les idées ont progressivement dominé la vie politique de l'Empire, préfèrent au gouvernement par la loi le gouvernement...
  • Afficher les 44 références