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CONFUCIUS & CONFUCIANISME

Le néo-confucianisme

Après la proscription du bouddhisme en 845, suivie d'une laïcisation des religieux – mesures que commandait la puissance économique et financière monstrueuse qu'avaient acquise des couvents théoriquement voués à la pauvreté –, un confucianisme retrouva l'occasion de se transmettre, mais méconnaissable, à quel point métamorphosé sous l'influence de la pensée bouddhiste.

Formation de la doctrine

P. Demiéville a signalé que Han Yu lui-même, qui condamne sans nuance ni réserve le bouddhisme, n'aurait probablement point écrit comme il fit en faveur de la « voie » confucéenne si une littérature bouddhiste en langue vulgaire (d'où sortiront le théâtre et le roman chinois) n'avait profondément agi sur les lettres traditionnelles.

De la même façon, Zhu Xi ne condamnera le bouddhisme que pour mieux présenter un confucianisme imprégné de cette métaphysique qu'apparemment il réprouve.

Précurseur de ce néo-bouddhisme, Zhou Dunyi (1017-1073) écrivit un Traité du faîte suprême qui s'ouvre sur une phrase longuement controversée : wu ji er tai ji, mais où il semble bien qu'il faille comprendre que le sans-faîte, wu ji des bouddhistes (« l'illimité », « l'infini »), c'est, en fait, er, le faîte suprême, tai ji, où les confucéens voient leur absolu. Bref, les deux absolus censément ennemis ne le seraient point du tout. Ce penseur n'était ni le premier, ni même le second à vouloir réformer le confucianisme. D'autres avant lui venaient de le tenter dans un tout autre sens : Hu Yuan (993-1059) et SunFu (992-1057) par exemple, qui condamnent le système des examens tel qu'on le pratiquait alors. Fortifier les frontières, irriguer les terres, nourrir et vêtir le peuple, voilà qui importait infiniment plus que la récitation de formules quasi sacrées. Et foin d'une culture exclusivement littéraire, car elle ne prépare pas à bien gouverner l'Empire !

Sous les Song, certains hommes d'État tentèrent d'appliquer ces principes : le Premier ministre Fan Zhongyan (989-1052) notamment, qui décida que les copies des examens seraient anonymes, et donna le pas à l'histoire sur la poésie, à la science politique sur la littérature dans la formation des futurs fonctionnaires. Un peu plus tard, les deux frères Cheng demandèrent qu'on en revînt à la vraie pensée de Confucius et de Mencius, et, du même mouvement, qu'on en finît avec la grande propriété, qu'on adoptât le « système du puits », qu'on luttât efficacement contre la misère et la famine. Plus radicale encore la réforme (la révolution, pour mieux dire) préconisée puis commencée par un contemporain de Zhou Dunyi, ce Wang Anshi (1021-1086) sous qui, d'après les chroniques chinoises, « la terre trembla ». Il fit notamment rédiger une édition glosée à neuf des « classiques » confucéens, qui devint la seule orthodoxe ; mais il se trouva bientôt en butte aux attaques de ceux des confucéens pour qui la « bienveillance » l'emporte sur la « justice », et qui n'acceptaient pas les moyens énergiques, c'est-à-dire peu vertueux, dont le ministre entendait se servir pour réaliser des réformes qu'on qualifie parfois de « socialistes », et que le régime du président Mao présentait en effet comme une première étape vers la justice sociale. Il dut céder le pouvoir.

Dès lors, au lieu de se rappeler constamment que « partage, distribution, voilà les fleurs de l'humanisme », les néo-confucéens de la dynastie Song, échaudés par cet échec de l'action politique, se replient vers la métaphysique. C'est le temps de Zhu Xi (1130-1200), dont les éditions et les commentaires des « classiques » remplaceront, dès 1313 et jusqu'au xxe siècle, dans tous les concours officiels, les gloses de Wang[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-IV

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