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CONFUCIUS & CONFUCIANISME

Diffusion du confucianisme

L'impérialisme chinois porta le confucianisme jusque dans la péninsule indochinoise au sud ; au nord-est, dans la péninsule coréenne, d'où la doctrine gagna le Japon. Au xxe siècle encore, le Vietnam en est marqué. Le culte des ancêtres y demeure un des premiers soucis, la piété filiale reste admise comme valeur suprême. On dit parfois que la « grande famille » vietnamienne n'a jamais eu le pouvoir tyrannique que le romancier chinois contemporain Bajin condamne dans sa triologie Jia, La Famille. Un illustre roman vietnamien, le Kim van kiêu, montre pourtant jusqu'où peut se porter chez une fille l'excès de piété filiale : jusqu'à se vendre en qualité de prostituée pour payer les dettes des siens.

Dès le iie siècle de notre ère, des lettrés vietnamiens allaient briguer dans la Chine des Han les titres officiels. À l'occasion de la seconde invasion chinoise (1405-1427), la diffusion des livres canoniques, interdite jusque-là dans les pays feudataires, y devint obligatoire. La doctrine de Zhu Xi fut inscrite au programme des concours triennaux de recrutement ; elle y resta même en vigueur après l'évacuation du Vietnam par les colonisateurs.

Sous l'impulsion de la politique mongole, le néo-confucianisme se diffusa également vers la Corée, sous le nom de Tjou Tja Hak (Étude de la théorie de Zhu). En 1401 monta sur le trône le roi Htai Tjong, qui chassa de sa cour les bonzes, laïcisa une part des biens de l'Église bouddhiste ; grâce à quoi, il fonda des écoles confucéennes. Si la Corée alors dépassa la Chine dans l'art de l'imprimerie, sans doute le doit-elle à ce « vrai roi » qui abdiqua en 1419 afin de se modeler sur la perfection confucéenne du souverain. Stimulé par cet exemple, Syei Tjong ne toléra plus que trente-six pagodes, fit célébrer selon le rituel confucéen les funérailles de son royal prédécesseur, réforma les instruments de musique et divulgua le confucianisme jusque dans les campagnes, ce que facilita sa réforme de l'écriture, qui réduisait à vingt-huit les caractères (1446). Par la vertu de ces deux « vrais rois », au sens confucéen du terme, la Corée prouva que le confucianisme, pareil à bien des institutions humaines, s'il est capable du pis, l'est aussi du meilleur.

C'est même à l'heureuse influence de la doctrine de Confucius que certains historiens attribuent l'essor du Japon au xixe siècle. Le néo-confucianisme s'insinua dans ces îles dès la fin du xve, à la faveur d'une confusion ingénieusement entretenue entre confucianisme et bouddhisme. La doctrine se partagea en plusieurs sectes, dont l'une se réclamait de Zhu Xi, l'autre de Wang Yangming (en japonais Yōmei), la troisième de l'école chinoise des Han ; Itō Jinsai l'illustra. Asaka Gonsai (1785-1860) restaura la doctrine des dénominations correctes, refusa l'orthodoxie et n'oublia pas le sort des petites gens ; mais un adepte de la doctrine idéaliste de Yōmei, Yoshida Shōin, s'efforça de lier connaissance avec les marins américains de Perry (1854). Il le paya de sa vie. Sakuma Shozan et Katsu Awa continuèrent à soutenir qu'un peuple qui construit des navires capables de marcher contre le vent ne saurait être entièrement barbare. Une fois encore, des hommes de progrès s'inspiraient de Confucius, et le payèrent de leur vie.

S'il est facile de dauber sur les mœurs des mandarins de la dynastie mandchoue, quelle injustice d'oublier que le confucianisme fournit aux Coréens leurs deux rois les plus populaires et les plus grands à la fois, ouvrit l'esprit de certains Japonais aux valeurs des civilisations étrangères, produisit en Chine même des penseurs audacieux, des fonctionnaires intègres, ou héroïques ! Le mot « confucianisme » recouvre tant de doctrines divergentes, contradictoires, qu'au[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-IV

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