CONQUISTADORES
L'enracinement
Si les conquistadores ont attaché tant de prix à la possession des encomiendas, c'est qu'elles représentent le seul véritable bénéfice qu'ils aient tiré de la conquête. Leur part de butin avait toujours été au-dessous de leurs espérances, ou dissipée aussitôt que gagnée : on dit que Mancio Sierra de Leguizamo, à qui échut pour lot le soleil d'or du temple du Cuzco, le perdit au jeu le soir même. L'obligation de résidence faite aux encomenderos et le contrôle de plus en plus étroit de l'administration royale sur les expéditions contribuèrent à fixer peu à peu les conquistadores dans les nouvelles villes d'Amérique. Les plus avisés d'entre eux, à l'exemple de Cortés, employèrent « leurs » Indiens à de fructueuses affaires : mines, élevage, commerce des produits du tribut, ou obtinrent de la Couronne des charges publiques et des pensions. Mariés à des Espagnoles ou à des femmes du pays, ils se transforment progressivement en colons (pobladores) et, s'ils gardent leur prestige au sein d'une population blanche toujours plus nombreuse, ils perdent leur primauté politique initiale au profit de la bureaucratie royale. Mais ils s'étaient définitivement enracinés dans les terres qu'ils avaient conquises et c'est à juste titre qu'on les considère comme les fondateurs des nouvelles sociétés créoles et métisses des Indes de Castille.
On se dispensera de porter ici un jugement moral sur les conquistadores : c'est aussi vain que traditionnel. Ils ont conquis l'Amérique au prix de terribles violences et précipité la chute de civilisations dont nous mesurons aujourd'hui la grandeur. Leur époque était telle qu'ils ne pouvaient concevoir d'autre forme de contact avec un monde aussi radicalement étranger au leur : en cela, ils ont été les instruments inconscients d'un destin historique qui les dépassait.
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Écrit par
- Jean-Pierre BERTHE : maître assistant à l'École pratique des hautes études, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales
Classification
Médias
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