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CONSCIENCE (notions de base)

Le sujet cartésien

Jusqu’ici, c’est la dimension « douloureuse » de la conscience que nous avons évoquée. Elle peut cependant présenter un tout autre visage, celui qu’a dessiné et imposé la philosophie cartésienne.

Descartes (1596-1650) est incontournable si nous avons l’intention de nous réconcilier avec la conscience. Qu’est-ce donc que le « cogito » (le « Je pense donc je suis ») cartésien ? C’est la découverte de la certitude inébranlable de notre vie intérieure, acquise à l’issue du doute méthodique, et qui apparaît au sujet pensant comme infiniment plus ferme que tout ce qui peut exister en dehors de notre esprit. Si je prends le risque, un matin d’hiver, de dire « il fait froid », on pourra aisément me démontrer que je me trompe en me montrant un thermomètre indiquant que la température est fort agréable. Mais si je dis simplement « j’ai froid », qui pourrait contester que je ressens dans mon corps une impression de froid sans doute tout à fait « subjective », mais qui exprime cependant l’expérience indiscutable que je suis en train de vivre ?

La science moderne, par le biais de Galilée (1564-1642), auquel Descartes voue la plus grande admiration, nous fait comprendre qu’il existe en dehors de nous et de nos expériences intimes un monde « objectif » que le génie humain parvient à interroger et à mettre en formules. « La nature est écrite en langage mathématique », affirme Galilée. Mais la science peut commettre des erreurs, et bien des hypothèses erronées sont proposées avant qu’on en arrive à établir une loi mathématique. Alors même que commence l’aventure de la science moderne, Descartes impose l’idée que le monde « subjectif » est en fait beaucoup plus certain que la réalité « objective ».

Dans son dernier ouvrage, Les Passions de l’âme (1649), Descartes va plus loin encore. Imaginons, nous dit-il, que je me réveille au sortir d’un horrible cauchemar : j’étais en présence d’un monstre terrifiant, dont je comprends dès mon réveil qu’il n’était rien d’autre que le fruit de mon imagination. Pourtant, j’ai encore le cœur qui bat, le front moite, et les mains qui tremblent. J’ai eu peur, et ma peur, dit Descartes, n’est pas simplement réelle, elle est « vraie ». Adjectif essentiel, par lequel Descartes, achevant une argumentation inaugurée avec le Discours de la méthode (1637), démontre une dernière fois la dimension indiscutable de la vie intérieure.

Ma conscience, scène intime sur laquelle se déroule le théâtre de ma vie subjective, est la dimension la plus vraie à laquelle je n'aurai jamais accès, aucune des vérités de la science ne pouvant jamais prétendre égaler la puissance irréfutable de mes impressions subjectives. C’est ce qui explique pourquoi les penseurs qui se réclameront de Descartes, tel Alain (1868-1951) au xxe siècle, ne sauraient accorder la moindre place à un quelconque inconscient. Pour Alain, l’inconscient n’est rien d’autre que le corps, dont en effet quantité de manifestations nous échappent. En revanche, un contenu mental qui échapperait à l’esprit apparaît à Alain comme une pure contradiction.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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